Joao Bosco est un des musiciens les plus imaginatifs et éclectiques de la MPB. Tirant de sa guitare des sambas endiablées ou des motifs complexes de flamenco, son répertoire va de la samba au merengue, en passant par le be-bop, Jackson do Pandeiro, des standards de jazz comme Round midnight, ou Ary Barroso… Sur Caça a Raposa sorti en 1975, ce troubadour post-moderne alterne le sublime et l’ironique dans des chansons gracieuses et pleines de modulations.
João Bosco ne vient ni de la bossa-nova ni du tropicalisme, les deux forces qui ont traversé la culture du pays entre la fin des années 50 et le début des seventies. Carioca depuis quarante ans, il garde en lui la singularité de l’Etat du Minas Gerais, où il est né en 1946.
A Belo Horizonte, capitale du Minas, s’est déroulée, dans les années 60, une révolution musicale autour du chanteur Milton Nascimento et d’un extraordinaire guitariste, Toninho Horta. On l’a baptisé par la suite Clube da Esquina [le club du coin de la rue, ndlr]. Leur musique ne ressemblait à rien de ce qui s’était fait auparavant, elle tombait du ciel, comme un phénomène médiumnique, miraculeux.
João Bosco
Joao Bosco Caça a Raposa
João Bosco étudie alors l’ingénierie civile à Ouro Preto, ville célèbre pour le délire architectural de ses églises baroques. Le climat y était propice aux arts ; et les études, le prétexte idéal pour chanter et jouer de la guitare. Milton Nascimento, de quatre ans son aîné, passe régulièrement, et Bosco se mêle à son groupe, qui élabore une esthétique radicale, entre le jazz et le classique.
Mais de son enfance à Ponte Nova proviennent d’autres influences, dont celle liée aux origines libanaises de son père.
À la maison, je vivais à l’heure arabe, au rythme des fêtes communautaires de la diaspora libanaise. Mon père chantait la samba, ma mère jouait du violon. Dehors, il y avait le carnaval, mais aussi la congada, quand les travailleurs agricoles des plantations de canne à sucre, descendants d’esclaves, défilaient dans les rues avec leurs danses et leurs percussions.
João Bosco
A Ouro Preto, l’aspirant ingénieur fait une rencontre marquante : Vinícius de Moraes, un des pères de la bossa-nova, l’entend jouer et l’encourage à persévérer dans cette voie. «Vinícius a été mon mentor. Pendant les vacances, il me recevait chez lui, à Rio, où il me présentait à ses amis musiciens, producteurs, intellectuels…»
Ces rencontres aboutissent en 1971 à un premier enregistrement insolite : un 45-tours offert aux lecteurs de l’hebdomadaire O Pasquim («le brûlot»), un des rares médias à pourfendre la dictature militaire instaurée en 1964. Le magazine demandait à un artiste reconnu de parrainer un jeune talent, chacun proposant une chanson.
Dans le cénacle de Vinícius de Moraes, João Bosco rencontre un psychiatre amateur de poésie, Aldir Blanc, qui devient son inséparable parolier. La marque de fabrique de la paire Bosco-Blanc : les paraboles et les métaphores qui se jouent de la censure, sur des musiques très élaborées, syncopées, exigeant une maîtrise vocale sans faille. Notamment celle d’Elis Regina, déjà une énorme vedette dans son pays quand elle s’empare de la samba Bala com Bala, au phrasé heurté, véritable tour de force pour l’interprète.
Après un premier LP sorti en 1973, João Bosco enregistre un deuxième album toujours en collaboration avec Aldir Blanc. Ce sera Caça a Raposa sorti en 1975 considéré comme une référence de la MPB.
L’album s’ouvre sur deux chefs-d’œuvre, « O Mestre-Sala dos Mares » et « De Frente pro Crime ». L’auteur y parle de violence urbaine sous des airs de samba festive ( « De Frente Pro Crime » ), ou évoquant la figure de « L’Amiral noir », alias Joao Candido Felisberto, marin ayant mené la révolte du fouet de 1910 contre l’usage de la torture comme punition envers les matelots. Certaines paroles de ce « O Mestre… » seront retirées suite à la censure d’État.
La chronique urbaine exige la réanimation d’un boléro « Dois pra Lá, Dois pra Cá » alors que les mélancoliques « Bodas de Prata » et « Violeta do Belford Roxo », reprennent, sans le sarcasme du tropicalisme, un certain sentimentalisme de banlieue que la bossa nova ne trouvait pas hype.
Le Minas natal de João Bosco lui inspire un certain baroquisme dans « Caça à Raposa » et se permet des incursions presque rock sur « Jardins de Infancia ».
Sur « Kid Cavaquinho », un incontournable du répertoire de Bosco, le duo réaffirme son « carioquisme ».
Les arrangements discrets de Cesar Camargo Mariano donnent à l’ensemble une touche légère. Les constructions mélodiques et harmoniques de João Bosco sont parmi les plus originales de la MPB. Toute cette complexité mélodique et harmonique lui semble naturelle. Bien que João n’ai jamais étudié la théorie musicale et l’harmonie, il possède une grande maîtrise technique, un jeu de guitare unique et ses rythmiques sont d’une grandes originalités.
Blanc et Bosco, c’est l’alliance syncopée des mots percussions et des sonorités bijoux. Avec ce parolier au verbe affûté qui manie la satire et le surréalisme, le compositeur cisèle des chansons poétiques et baroques qui oscillent entre samba languide et scat ultra swingueur, fable sociale bigarrée et abstraction rebelle.
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CREDITS :
Enregistré en 1975 au studios RCA, Rio De Janeiro – RCA Victor
- Art Direction – Carlos Guarany
- Backing Vocals – Joab (tracks: 1), Raymundo Bittencourt (tracks: 6)
- Bass – Luizão
- Cavaquinho – « Neco »*
- Coordinator – Rildo Hora
- Drums – Pascoal Meireles*
- Guitar [Guitarra] – Hélio Belmiro* (tracks: 3, 4, 6, 7), Toninho Horta (tracks: 2, 8 to 10)
- Guitar [Violão De Sete Cordas] – « Dino »*
- Keyboards – Cesar Camargo Mariano*
- Arranged By – Cesar Camargo Mariano*
- Lyrics By – Aldir Blanc
- Music By, Guitar [Violão] – João Bosco
- Percussion – Chico Batera, Everaldo Ferreira
- Repinique [Surdo De Repique] – « Doutor »*
- Surdo – Gilberto D’Avila
Sources : www.collectorsroom.com.br – https://enciclopedia.itaucultural.org.br – Almir Chediak song book – www.liberation.fr – www.telerama.fr – www.lemonde.fr – www.qobuz.com