Avec ses éternels bouc et chapeau de feutre, la silhouette de Linton Kwesi Johnson – aka LKJ – est aussi marquante que sa voix de baryton. Premier adepte du spoken word à se faire le porte-voix des enfants du Windrush (2ème génération de la diaspora caribéenne), l’artiste n’a eu de cesse de chanter ses strophes à plusieurs générations de fans, et n’a pas volé son titre de père de la dub poetry, la “poésie dub”. Il sera même l’unique poète à être publié de son vivant dans la prestigieuse collection Penguin Modern Classics.
Né en août 1952 dans la Jamaïque rurale, Linton Kwesi Johnson arrive en 1963 à Londres. A l’adolescence, il rejoint le mouvement des Black Panthers au sein duquel il aide à organiser des ateliers de poésie et participe au groupe de reggae Rasta Love. En 1973, il entame des études de sociologie au Goldsmiths College de Londres.
J’ai rejoint les jeunes Black Panthers, dont je vendais le journal sur les marchés et dont je suivais les cours : on lisait Les Jacobins noirs, de C.L.R. James, sur la révolution haïtienne, Capitalisme et esclavage, d’Eric Williams, Black Reconstruction in America, de W.E.B. Du Bois… Une des premières campagnes auxquelles j’ai participé, en 1970, fut le soutien aux Mangrove Nine, un groupe de neuf militants, dont Altheia Jones-LeCointe, jugés pour avoir prétendument incité à l’émeute lors d’une manifestation contre le harcèlement policier que subissait un restaurant caribéen.
LKJ
Ses premières poésies paraissent dans le journal Race Today qui publie en 1974 le recueil Voices of the Living and the Dead. Il en sortira un second, Dread Beat an’ Blood, avant d’autoproduire l’album homonyme en 1978 (sous le nom de Poet & the Roots). La même année, il forme un collectif culturel, Creation for Liberation.
J’ai commencé à écrire des vers, non seulement parce que j’aimais ça, mais parce que c’était une façon d’exprimer la colère, la passion de la jeunesse de ma génération, la lutte contre l’oppression raciale. La poésie était une arme culturelle dans la lutte pour la libération des Noirs, c’est ainsi que tout a commencé.
Linton Kwesi Johnson
Un ami qui travaille pour Virgin records lui suggère de faire une demo.
Il s’est arrangé pour que je rencontre Richard Branson. Nous nous sommes rencontrés dans un petit restaurant chinois de la rue Kensington, et Branson a dit qu’il aimait la demo. Il ressemblait à un hippie pour moi. » Branson m’a signé – et je suis donc devenu un artiste reggae, « par accident ».
LKJ
En calant sur un beat reggae sa poésie politique en créole jamaïcain, qui raconte les conditions de vie difficile de la rue à Brixton et les brutalités policières, LKJ comme on le surnomme créé la poésie dub.
Edward Brathwaite (poète antillais d’expression anglaise) avait initié une révolution dans la poésie caribéenne. Il essayait de créer une nouvelle esthétique qui ne repose pas sur les canons anglo-saxons. Il avait commencé à incorporer aux paroles caribéennes, des rythmes jazz, blues, calypso, etc. Dans un sens, ce que je fais avec le reggae, ce que j’appelle la poésie reggae, c’est de consolider cette révolution commencé par Brathwaite.
LKJ
Accompagné du Dennis Bovell Dub Band, il enchaîne les disques : Forces of Victory en 79, Bass Culture et LKJ in Dub en 80. La même année il fonde son label, LKJ Records.
A la fin des années 80, il devient journaliste et producteur pour la télévision anglaise, pour laquelle il réalise une émission à destination du public noir, poursuivant parallèlement sa carrière musicale avec des albums comme « Tings & Times » (1991) ou plus récemment « More Time ».
Résolument militant, LKJ est devenu un artiste incontournable dont le style vise autant à élever l’esprit de ses frères et contemporains, qu’à briser définitivement les chaînes de l’esclavage moderne.
Sources : https://pan-african-music.com - www.routedesfestivals.com - www.waxpoetics.com - www.theguardian.com
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