Voici les dix disques qu’ Adrian Sherwood emporterait sur son île. Une bonne manière de retrouver quelques-unes des influences qui ont nourri ce fan inconditionnel de reggae tout au long de l’épopée de son label On-U Sound qui fête son 30e anniversaire.
Burning Spear « Presenting Burning Spear »
Je l’ai découvert quand il est sorti, j’étais tout jeune. Ça sonnait comme quelque chose provenant du paradis. Quelle puissance! Je le réécoute régulièrement, et à chaque fois il me met sur le cul. Si Burning Spear devait enregistrer un disque de cette classe aujourd’hui, il faudrait qu’il soit juste accompagné d’une guitare et de percussions minimales, de façon à ce que sa sublime voix soit en avant.
Bill Withers « Still Bill »
C’est celui de 1972, avec le hit «Lean On Me», imparable. Bill Withers prouve tout au long de cet album qu’il est un songwriter fantastique. Michael Jackson ne s’y est pas trompé: c’est à Bill qu’il a piqué «Ain’t no Sunshine».
Stevie Wonder « Innervisions »
Sur une île déserte, il faut des disques spirituels, profonds: celui-ci remplit le rôle de façon idéale. C’est l’album le plus épique de Stevie Wonder, son ambition me glace. Pas une chanson à jeter.
Bim Sherman « Love Forever »
Un disque réédité sous le titre «Danger». A l’origine, c’est une compilation de singles qu’il a enregistré en Jamaïque. Les thèmes sont d’une intelligence rare: «My Woman» est probablement la plus belle chanson jamais écrite sur une femme.
Bim Sherman « Miracle »
C’est le seul disque auquel j’ai participé que je retiens ici: il est trop beau. «Miracle» contient plusieurs morceaux qui datent de l’époque «Love Forever». Comme la production n’était pas toujours à la hauteur, on les a réenregistrés. Ça nous a pris trois ans pour arriver à ce résultat épuré.
Bob Andy « Songbook »
Bob Andy a enregistré les plus belles chansons au monde – le niveau de songwriting de «Life» ou «You Don’t Know» est encore supérieur à celui de Marley. Pourtant ses albums souffrent parfois d’irrégularités. «Songbook» est incontestablement son meilleur, le plus abouti.
The Wailers « Burnin’ »
Je dis les Wailers et non Bob Marley, parce que la patte de Bunny Wailer et Peter Tosh est primordiale sur cet album. Et avec «Catch a Fire», c’est l’album où la flamme de Marley brille le plus intensément.
The Abyssinians « Forward on to Zion »
Il y a sur ce disque la chanson «Satta-A-Masagana», hit international qui est devenu un véritable hymne jamaïcain. C’est rigolo, parce que je suis producteur, et une fois de plus je choisis un album qui jouit d’une «non-production»: «Forward on to Zion» est à la fois brut… et près de Dieu!
Lee Perry « Arkology »
J’ai travaillé avec lui sur deux albums: c’est un génie. Je ne vois pas comment je pourrais ne pas emmener son œuvre sur une île déserte. Ecouter Lee le matin, et la journée part du bon pied. Mais un simple album, ce serait trop frustrant — d’autant que cette anthologie de trois CD est très bien ficelée.
Pablo Moses « Revolutionary Dream »
Un album mystérieux, inquiétant… Avec des paroles tellement âpres. Voilà, c’est mon dixième. J’aurai peut être dû mettre du rock – disons un des premiers The Fall. Mais mon truc, c’est le reggae. La première fois que j’en ai écouté, c’était encore plus fort que la première fois où j’ai fait l’amour !
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