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Considéré par beaucoup comme le parrain du rap et du spoken words à travers les premières adaptations musicales de ses poèmes, Gil Scott Heron a évolué en suivant l’influence de ses mentors (John Coltrane, Billie Holiday…) vers une fusion Jazz/Blues/Funk tout en conservant une verve poétique et politique souvent en avance sur ses pairs. Gil Scott Heron se bat contre tout ce qui mine les siens, célébrant la libération des peuples dans des chansons en forme de prières pétries d’humanité et d’humilité.

Né à Chicago en 1949, il est le fils d’une bibliothécaires et d’un footballeur jamaïcain, Gilbert St Elmo Heron, également connu sous le nom de « Black Arrow » lorsqu’il portait le maillot du club du Celtic de Glasgow (Ecosse). Gil Scott Heron passe son enfance dans le Tennessee auprès de sa grand mère. La musique, il s’y met presque par accident, sa grand-mère ayant récupéré un piano contre la somme de 6 dollars auprès de leur voisin immédiat, une entreprise de pompes funèbres contrainte de fermer boutique.

Gil Scott Heron
Gil Scott Heron

Il écoute la radio et commence à pianoter tout seul, essayant tant bien que mal de reproduire le plus fidèlement possible les tubes du moment. Du doo wop, du blues. Des trucs comme « Stand By Me » ou « Duke Of Earl ». « C’est pour ça qu’il y a tant de progression d’accords blues dans ma musique. On peut raconter des histoires avec le blues. » Plus tard, il prend quelques cours avec une voisine, qui durant près d’un an va lui enseigner des hymnes religieux qu’à son tour, il joue à sa grand-mère.

Vers l’âge de 13 ans, il déménage à New York pour s’installer dans le Bronx. C’est à cet âge qu’il termine son premier recueil de poésies, influencé par le poète Langston Hughes, chantre du mouvement littéraire Harlem Renaissance, et LeRoi Jones, auteur du peuple du blues.

Danny Goldberg, un vétéran de l’industrie musicale qui est allé au lycée avec lui, écrit de lui : C’était une école privée, fréquentée principalement par des élèves de confession juive, et qui ne comptait que cinq élèves noirs, dont Scott-Heron. L’un de leurs camarades de classe se souvient : « Déjà au lycée, c’était une âme ancienne. Nous savions que Gil venait d’un monde différent, mais c’était vraiment bon de passer du temps avec lui » C’était la star de l’équipe de basket, mais contrairement à d’autres sportifs, il était aimable avec ceux qui ne partageaient pas les mêmes aptitudes. Un autre camarade de classe se souvient : « Il savait shooter au panier, mais il faisait en sorte que les élèves les moins sportifs puissent jouer avec les stars, et il nous respectait. Héron me lançait la balle pour que je puisse marquer et il me félicitait ensuite pour mes aptitudes en maths. » Goldberg se rappelle également la transformation du jeune Gil Scott Heron en une sorte de hippie, mais avec un côté « black power ». « Avec le temps, j’étais persuadé qu’il restait un fond de l’idéal hippie en lui dans son approche de l’art, du mysticisme, de la politique », écrit Goldberg. « « The Revolution Will Not Be Televised » avait une férocité à la Malcolm X et ridiculisait la superficialité de la culture populaire, mais son intensité subtile diffusait également le message que toute vraie révolution doit se situer à l’intérieur de soi-même. »

gil scott heron the bottle,
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Il s’installe par la suite à Chelsea, quartier multiracial et multiculturel du Sud-Ouest de Manhattan qui lui apportera beaucoup par ses échanges permanents de culture, mais aussi par la rudesse du ghetto lié de très près aux problèmes de drogue.

A vingt et un ans, Gil Scott Heron a déjà à son actif un roman (The Vulture, Le vautour), un recueil de poésies, Small Talk at the 125th and Lenox, et sous le même titre, un premier disque.

Il abandonne définitivement ces études à Lincoln University et prend une année sabbatique pour se consacrer à la littérature… mais son talent de compositeur, chanteur et pianiste l’écarte peu à peu de l’écriture pour le diriger vers une carrière de musicien. Il enregistre en 1971 et 1972 deux albums exceptionnels,  » Pieces of man  » et  » Free will « , produit par Bob Thiele (producteur de John Coltrane entres autres).

Le génie ne s’arrêtant pas là, il enregistre en 1973, « Winter in America » considéré par beaucoup comme l’un de ses plus beaux albums. Avec Brian Jackson qui sera son complice pendant plus de 10 ans, Gil traverse sans encombre les années 80.

Gil Scott Heron

Ce qui m’a d’abord frappé chez Gil, c’est son sens de l’humour. Ce type avait une façon très étrange de voir les choses. Il pouvait en dire plus en cinq mots que n’importe qui d’autre, et cela m’a toujours amusé. Il intégrait ce même sens du timing et de l’économie dans son écriture, en particulier dans ses paroles. Mais ce n’est pas tout, c’est aussi sa conscience sociale : la façon dont il exprimait sa vision des événements qui nous touchaient tous, que ce soit au niveau national, culturel ou ethnique. Il était toujours capable d’exprimer un point de vue très clair et solide. Je me suis dit : « C’est quelque chose que tout le monde doit vivre ». La seule chose qui, à mon avis, empêchait un plus grand nombre de personnes de vivre cette expérience, c’était l’absence du type de musique ou de production qui permettrait d’y parvenir. C’est ce que j’ai considéré comme ma mission.

Brian Jackson

Son œuvre, musicale ou écrite, reflète une volonté de crier haut et fort les problèmes politiques et les faits sociaux qu’il vit au quotidien. C’est un homme de la rue et le rappelle à travers ses chansons : « New York City », « Winter in America« . Il se positionne comme un défenseur de la cause des Noirs, très souvent délaissée par le Gouvernement américain : « On est soi disant sur une terre de justice, de liberté et d’égalité et c’est ce que tout le monde recherche ici. »

« Ce qui me réjouit toujours c’est de voir que des membres de notre famille – des artistes, des sportifs, des satiristes – prennent le relai et défendent ce qui nous relie à la terre. En général, c’est comme si on vivait sur une autre putain de planète. Comme si on venait là pour faire les guignols. Les artistes sont toujours prêts à défendre le fait qu’ils soient plus sensibles que les autres. Alors, si c’est vrai, il faut que nous soyons capables d’évoquer ce qui affecte l’état du monde plutôt que de nous préoccuper de la billetterie d’un show. […] Ce que je veux, c’est poser des questions. Je veux que les gens s’interrogent non pas sur ce qui défraie déjà la chronique mais sur ce qui pourrait la défrayer. On n’arrive pas après une crise pour dire, « Oh mon Dieu / C’est terrible ce qui arrive en Afrique du Sud, etc. » Ce que je veux, c’est proposer un discours alternatif aux gens. Notre rôle est d’émettre des suggestions. » (Gil Scott-Heron, Sabotage Times, 1986)

Dans son premier roman, The Vulture, écrit en grande partie dans la blanchisserie qui l’emploie pour financer ses études universitaires, il décrit très crûment la misère et les trafics de drogue qui ravagent les ghettos noir-américains à la fin des années 60.

Gil Scott Heron

Il attaque volontiers et en public, le gouvernement de Nixon, notamment dans un excellent exercice de style plein d’humour : « We beg your pardon america/because the pardon you gave/was not yours to give » performance de spoken word qu’on retrouve sur l’album « The Mind of Gil Scott Heron » (Arista, 1979). « Johannesburg » dénonce l’apartheid, The bottle » et « Angel dust » l’alcool et la drogue, « B-movie » est une attaque du conservatisme politique…

Influencé par Malcom X, il fut longtemps sur la liste rouge du FBI pour ses prises de positions :

« Les Black Panthers organisent des petits-déjeuners pour les enfants dans les écoles. J’ai joué pour leur permettre de collecter des fonds…si la communauté musulmane veut construire une mosquée, je joue pour eux. Si l’église du quartier veut envoyer de l’argent pour distribuer des vivres aux plus démunis, je le fais aussi. J’aide toutes les organisations qui apportent quelque chose de positif à la communauté noire. Je n’appartiens à aucun groupe en particulier, mais je défend tous ceux qui représentent mes idées. »

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