Bert Jansch est un de ces musiciens dont l’influence a largement dépassé le succès. Sa légende s’est nourrie des hommages de ses pairs : Gary Lucas, Donovan, Nick Drake, Paul Simon. Bob Dylan le tenait pour un « génie » ; d’après Neil Young, il était le « Hendrix de la guitare acoustique ».
Quant à Jimmy Page, il s’esquinta les doigts comme tant de ses collègues à imiter le picking des premiers albums de Bert Jansch – mais ne prit pas de gants pour recycler un de ses morceaux (Blackwater Side, devenu Black Mountain Side) avec Led Zeppelin.
Enfant, Bert Jansch se destinait au métier de jardinier. Dans le songwriter et guitariste qu’il est finalement devenu, les traits de ce rêve de jeunesse ne se sont jamais réellement effacés.
A la seule force de ses grands doigts, il a cultivé un lopin musical dont il a peu à peu repoussé les limites, au point de déborder largement du cadre folk. Comme tous les guitaristes de sa génération, il a suivi les traces du fantasque Davy Graham, ce pionnier injustement méconnu qui a ouvert un nouveau front sur le terrain musical britannique.
Au mitan des 60s, Jansch signe des albums solo aussi sophistiqués dans le fond que rêches dans la forme (It Don’t Bother Me, Jack Orion) qui, à défaut de le rendre célèbre, auront infléchi le cours de l’histoire du rock.
En 1965, Bert Jansch est l’un des cracks de ce mouvement qui mêle revivalisme bon teint et souci de casser les frontières avec jazz, blues et rock.
Guitariste étincelant mais limité vocalement, il trouve un temps sa voie au sein de Pentangle. Avec son « jumeau » John Renbourn, il donne au folk-rock un sens de l’espace qui fait place à l’improvisation, pendant que la « famille » rivale, Fairport Convention, mise plutôt sur l’intensité. Le groupe dure six ans, de 1967 à 1973, après quoi Jansch, qui serait resté jardinier s’il n’avait pas entendu Brownie McGhee, revient à la ferme.
Il reprendra une carrière solo erratique, sans réelle éclipse mais plombée par un problème récurrent d’alcoolisme. Adulé par une nouvelle génération de guitaristes, de Johnny Marr à Graham Coxon et jusqu’à Pete Doherty, Bert Jansch était de moins en moins actif au fil des années.
Devandra Banhart ou Beth Orton, également enfants naturels du prodigieux guitariste et songwriter, l’ont accompagné sur l’album The Black Swan en 2006.
Véritable chant du cygne, on l’entend mettre en garde une jeune fille (Hey pretty girl) contre la folie du rock’n’roll, lui qui à ses débuts pleurait un ami victime de l’héroïne dans le poignant Needle of Death. Qu’a-t-il manqué à Bert Jansch pour faire carrière à l’égal de ses admirateurs ? « Il a le chic pour se rendre presque insignifiant, jusqu’au moment de se mettre à jouer », lisait-on dans une notice biographique de ses débuts.
Bert Jansch, après un combat de quelques années contre un cancer de la gorge, est décédé en octobre 2011 à l’âge de 67 ans.