Figure indissociable du label, Chris Blackwell grandit à la Jamaïque mais fait ses études en Angleterre. De retour dans son île natale, il fonde Island Records en 1959 avec une mise de fonds de 1000 livres sterling. A ses début, Island Records axe ses efforts de production sur les racines de la musique jamaïcaine que sont le ska, le rocksteady et le reggae.
Island records connait un succès local immédiat avec la chanson «Boogie In My Bones» du chanteur ska Laurel Aitken. Le titre reste en tête des charts jamaïcains onze semaines durant : « Lorsque j’ai enregistré Laurel Aitken et ces gens-là, je ne pensais pas que ce serait le début d’une maison de disques », se souvient Chris Blackwell. « Je ne faisais qu’enregistrer la musique parce que j’aimais ça. La Jamaïque est une petite place et je pensais à petite échelle à cette époque. » Mais Blackwell pense rapidement à l’exportation.
Trois ans plus tard, il déplace son studio au Royaume-Uni afin d’y distribuer des albums jamaïcains conçus pour la communauté émigrée en Grande-Bretagne. Toujours dépourvu des capacités de distribution qui lui permettraient d’atteindre les sommets des ventes, Blackwell autorise en 1964 la firme Philips à publier ses projets les plus commerciaux.
Philips sort ainsi pour lui le titre My Boy Lollipop interprété par Millie Small, premier tube international à mettre en avant les contretemps caractéristiques de la musique ska jamaïcaine, ainsi qu’une série de tubes de Spencer Davis Group, formation de Birmingham dont le jeune organiste, Steve Winwood, possède l’une des voix les plus emblématiques de l’époque.
En 1967, Blackwell et son partenaire David Betteridge décident d’installer les studios d’Island Records à Notting Hill, banlieue bourgeoise londonienne, et de réorienter le label vers la scène rock émergente. Island recrute ainsi des groupes tournés vers un public jeune.
Steve Winwood devient avec son groupe du moment, Traffic, l’artiste phare du nouveau label rose d’Island. Parallèlement, le producteur américain Joe Boyd aide Blackwell à créer un nouveau style de folk-rock britannique à travers ses productions de Fairport Convention et de Nick Drake.
Afin de rendre plus claire la nouvelle voie prise par Island Records, la plupart des titres jamaïcains sont publiés sous divers labels commercialisés par Trojan Records, société installée dans des bureaux séparés et gérée par Lee Gopthal.
Au début des années 1970, les groupes Free, Roxy Music, Jethro Tull et King Crimson confirment la prééminence d’Island Records parmi les labels indépendants britanniques. Fort de cette position dominante, Blackwell se sent suffisamment en confiance pour produire Bob Marley & The Wailers et faire découvrir la musique jamaïcaine à un public rock international.
En 1973, il signe Bob Marley and The Wailers pour en faire des vedettes aussi populaires que Jimi Hendrix. Plusieurs recommandaient à Blackwell de ne pas signer les Wailers en raison de leur attitude de petits voyous et de leur prétendue manque de fiabilité. Le producteur avance 4000 £ pour l’enregistrement de l’album Catch A Fire. Le succès est colossal et rapportera au groupe ainsi qu’au label le renom que l’on connais.
Dès lors Island est le symbole de l’explosion du reggae et tous les plus grands sont signés par le label. De Toots and the Maytals à Burning Spear, en passant par Black Uhuru ou Third World.
Island s’ouvre par la suite au reste du monde avec le label Mango. C’est au tour de King Sunny Adé, Angélique Kidjo et Salif Keita de conquérir la planète sous la bannière au palmier. Le rock n’est pas oublié pour autant : en 1979 ce sont les jeunes irlandais de U2 qui assurent le rayonnement du label, jusqu’à sa cession à la multinationale Polygram (futur Universal) en 1989.