Baden Powell est un immense artiste, qui a su véritablement créer un style de guitare acoustique. Dès l’âge de 20 ans, il était déjà considéré comme l’un des maîtres de la Bossa Nova. Mais son influence dépasse largement le cadre -pourtant étendu- de la musique brésilienne et son long visage émacié (surmonté de grosses lunettes) est également devenu une figure majeure du jazz.
Né le 6 août 1937 dans la ville de Varre e sai (située dans l’état de Rio de Janeiro), Baden Powell de Aquino reçoit son curieux prénom en hommage au fondateur du scoutisme, dont ses parents étaient de fervents admirateurs. Il a grandi dans une atmosphère où la musique était omniprésente puisque son père (cordonnier par nécessité) était un excellent violoniste amateur.
A l’âge de huit ans, le petit Baden Powell demande avec insistance à apprendre la guitare. Il a pour professeur Jaime Florence -par ailleurs violoniste au sein du groupe « Regional Do Canhoto »- qui l’initie à la musique traditionnelle brésilienne et à la guitare classique (notamment à l’étude des maîtres espagnols Francisco Tarrega et Andres Segovia).
L’enfant se révèle rapidement être un prodige et l’année suivante (à 9 ans !), il remporte la première place d’un concours de guitariste solo organisé par « Papel Carbono », une émission de la radio nationale.
Dès l’âge de 13 ans, Baden Powell devient quasiment un musicien professionnel, gagnant de petits cachets en jouant dans des bals et des fêtes. A peine sorti de l’école secondaire, il est engagé comme musicien officiel au sein de la radio nationale.
Aux alentours de 1955, il rejoint un trio de jazz qui se produit au Bar Plaza de Coppacabana. Très vite, se crée là un cercle d’inconditionnels de Powell ; parmi eux, il y a un certain Antonio Carlos Jobim. C’est grâce à Tom Jobim qu’un soir de 1960, Baden Powell rencontre Vinicius de Moraes qui invite le guitariste virtuose à participer au mouvement naissant de la Bossa Nova.
« Cança o de Ninar Meu Bem », la 1ère collaboration du duo, obtient un succès immédiat (le premier grand succès de Baden Powell, » samba triste », date de 1956). Très vite Baden Powell est reconnu comme l’un des maîtres de la Bossa Nova. Il en est non seulement un interprète exceptionnel mais aussi un compositeur inspiré et délicat.
Au milieu des années soixante, Baden Powell se rend aux Etats-Unis et commence à jouer avec Stan Getz, le célèbre jazzman. En 1966, le compositeur/guitariste brésilien fait un long séjour en Europe où le cinéaste français Claude Lelouch intègre la chanson « Samba de Bençao dans la bande sonore de son film « Un homme et une femme« .
L’année suivante, à Paris, il reçoit son premier disque d’or. Il décide alors de s’installer en France, ce pays qui l’accueille à bras ouverts. Témoin, la série de concerts qu’il donne en 1974 à l’Olympia (salle mythique parisienne) : au lieu des 2 semaines prévues, il tiendra l’affiche pendant 5 semaines consécutives ! Après les continents américain et européen, c’est au tour de l’Asie, dans les années 70, de succomber au talent de cet homme discret.
Sans jamais oublier ses racines brésiliennes, Baden Powell a su créer un style unique où se mêlent samba, bossa, musique classique et jazz.
À l’aise dans les studios d’enregistrement, Baden Powell a gravé plus de 70 albums, souvent en Europe. Son écriture est marquée par le caractère mélancolique des dessins mélodiques interprétés d’une voix intimiste ou insérés dans ses arpèges touffus.
Ses climats, souvent méditatifs et sensuels, n’oublient pas les constructions rythmiques qui rappellent les racines africaines. Son approche originale de la guitare sait assimiler les apports occidentaux – il s’est frotté à Jean-Sébastien Bach – et les sources traditionnelles de la musique brésilienne (baiào, musiques des chôros, samba…).
La virtuosité n’est jamais gratuite, la maîtrise de l’instrument restant toujours au service d’une expression ou d’une émotion. Ainsi, l’art du balancement – la syncope à l’intérieur du temps qui confère une part de sa couleur à la musique brésilienne – ou la simulation quasi pianistique de l’orchestre par des enchevêtrements complexes de voies complémentaires sont autant d’éléments qui sortent la guitare à cordes de Nylon de sa grammaire obligée.
L’un des traits marquants de cet univers qui fait le lien entre le contrepoint classique et les polyphonies africaines est l’imitation, ou plutôt l’évocation guitaristique d’instruments traditionnels comme le berimbau, arc musical à calebasse du Nordeste utilisé pour accompagner la capoeira, dans la chanson éponyme, ou la cuíca, petit tambour à friction de la samba, dans Garota de Ipanema.