En 1993, le monde découvre la cinéaste néo-zélandaise Jane Campion au festival de Cannes grâce à son nouveau film multi-récompensé la Leçon de piano (The Piano). Par la même occasion, le compositeur de musique de film Michael Nyman accède également à la notoriété puisqu’il a produit, arrangé et composé l’intégralité de la bande sonore sur laquelle le thème principal du film, décliné sous toutes ses formes, est d’une efficacité exemplaire.
En 1992, Nyman a signé la musique du film Prospero’s Book de Greenaway et c’est avec ce long métrage que se termine leur longue collaboration. Avec The Piano, Nyman change radicalement de style : les influences baroques ont laissé place à une simplicité retrouvée.
la leçon de piano musique
Jane Campion et moi-même avions parcouru le scénario ensemble et avions repéré les séquences où le piano s’imposait. J’ai passé un mois à l’agonie, me torturant l’esprit pour savoir comment j’allais procéder. Je pense que la solution m’est finalement apparue quand j’ai réalisé que si le personnage d’Ada avait pu parler, elle l’aurait fait avec ses propres mots. Puisqu’elle ne pouvait s’exprimer qu’à travers sa musique, il fallait donc qu’elle en soit le compositeur. Une fois que j’avais admis cela, tout est devenu plus facile. Elle pouvait écrire ce qu’elle voulait et dans la mesure où elle n’avait pas eu de format spécifique, elle pouvait composer toutes sortes de musiques simples dans un style XIXe siècle. Elle pouvait, par exemple, reprendre un motif entendu en Écosse et le traiter comme l’une des « Chansons sans paroles » de Mendelssohn.
Michael Nyman
Le piano, dominant, prend toute sa mesure et se fait le traducteur des émotions du personnage central d’Ada. Celle-ci, muette, transmet ses pensées grâce à son piano, véritable traducteur de l’âme.
Comme il l’explique lui-même, Nyman a du créer, en plus de l’ambiance générale du film, le répertoire d’Ada. Celle-ci vit au XIXème siècle, a des origines écossaises et réside en Nouvelle Zélande.
Le principal problème sur La Leçon de piano fut d’inventer un langage musical propre. Deux éléments entraient en conflit : il fallait que la musique soit représentative de l’époque (milieu du XIXe siècle) tout en ne trahissant pas ma propre expression.
Michael Nyman
A partir de ses éléments, le compositeur se glisse dans la peau d’un musicien de 1850 en s’inspirant des musiques populaires d’Écosse pour écrire une musique modeste mais intense.
Michael Nyman aime s’inspirer d’airs traditionnels mais aussi de musiques baroques et classiques. C’est le cas du thème principal, une variation d’un thème traditionnel anglais du 19e siècle, Gloomy Winter Noo Awa.
Pour certains des morceaux, j’avais repris des passages de Chopin, de très brefs extraits de ses Mazurkas. Pour beaucoup d’autres, je m’étais inspiré de la musique populaire écossaise. Jane Campion a réalisé son montage à partir d’une bande de la musique d’Ada et a ainsi pu prendre ses décisions au fur et à mesure. C’est ainsi que pour la terrible séquence où Sam Neil poursuit Holly et, finalement, lui coupe un doigt, elle a choisi de reprendre le thème principal. Je n’aurais jamais osé le faire. Je n’y aurais même jamais pensé. Mais cela fonctionne à merveille.
Michael Nyman
Autre aspect crucial pour que le film fonctionne, l’actrice qui incarne le personnage d’Ada doit être capable de jouer les œuvres du compositeur.
J’ai composé la musique que joue Holly Hunter avant même que le film ne soit tourné. Je l’ai rencontrée à New York où nous sommes allés à la salle Steinway pour qu’elle puisse y jouer les morceaux qui la concernaient. C’est vraiment une bonne pianiste et cela m’a vivement encouragé. J’avais eu peur à un moment que la musique ne soit limitée par sa technique de jeu.
Michael Nyman
Avec la bande originale de la Leçon de piano, Michael Nyman signe une œuvre décisive qui lui permet de montrer une autre facette de son talent et de se détacher de Greenaway, ce qui lui était probablement nécessaire pour évoluer dans son écriture.
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CREDITS :
Enregistré et mixé en 1993 aux studios Kirsch, Brusselles. Mixé aux Studios Arco, Munich – Post-production à Abbey Road – Delabel/Virgin Records Ltd
- John Harle, soprano, alto saxophone
- David Roach, soprano, alto saxophone
- Andrew Findon, tenor, baritone saxophone, flute, alto flute
- Membres de l’Orchestre Philharmonique de Munich*, Performer
- Michael Nyman, piano
- Conducted by Michael Nyman
- Produced by Michael Nyman
- Engineer: Michael J. Dutton
- Executive Engineer: Malcolm Luker
- Assistant Engineer: Jamie Luker
- Recorded at Arco Studios, Munich
- Mixed and edited at Kitsch Studios, Brussels
- Post-production at Abbey Road
- Artist representative for Michael Nyman: Nigel Barr
Sources : www.theguardian.com - www.cinezik.org - https://en.wikipedia.org
Un film rarement conduit par une musique aussi envoûtante …je me lasse pas de l’écouter….
Elle claque parfois, tourbillonne, comme les sentiments muets qu’exprime le personnage central incarné par Holly Hunter, extraordinaire…
Ce film et sa musique, plus de trente ans après restera à jamais ancré dans le souvenir, et les tourments de l’âme humaine…