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Seize minutes et trente-quatre secondes. La courte durée de la bande originale du Samouraï, composée par François de Roubaix, n’a d’égal que le sens de l’épure du cinéma de Jean-Pierre Melville. Pour son dixième film, le réalisateur a fait appel à un jeune compositeur parisien dont il avait remarqué le travail orchestral sur « Les Grandes Gueules » et « Les Aventuriers », « films d’hommes » signés Robert Enrico.

François de Roubaix est un musicien autodidacte dont la formation s’est essentiellement déroulée dans les caves des clubs de jazz de Saint-Germain, où il officie en tant que bassiste et tromboniste. Son père, Paul, est réalisateur et producteur. Une influence décisive sur une carrière de metteur en son qui débute en 1959 avec « L’Or de la Durance », un court-métrage commandé par le ministère de l’agriculture.

À l’opposé de ses confrères retranchés dans la rigueur orchestrale, François de Roubaix privilégie l’expérimentation sonore. Autant séduit par Paul Schaeffer que par les Pink Floyd, de Roubaix s’adonne aux mélanges les plus improbables en combinant des arrangements pour petits ensembles à cordes aux premiers synthétiseurs et aux sonorités concrètes offertes par des matières brutes comme le verre, l’eau, le bois ou le feu.

Paradoxalement, la bande originale du Samouraï est une des œuvres les plus classiques de François de Roubaix. Dans le scénario de Melville, Alain Delon incarne Jeff Costello, un tueur à gages solitaire dont l’existence n’est dictée que par les missions que lui confient ses employeurs. Dans ce modèle de film noir à la française, l’action se déroule dans la grisaille d’un Paris pluvieux et de ses clubs enfumés.

François de Roubaix
B.O. du Samouraï François de Roubaix

À la manière de la contribution de Miles Davis pour « Ascenseur pour l’échafaud« , de Roubaix élabore un paysage fortement imprégné d’ambiances délétères et d’orgues Hammond blafards. Le pianiste de jazz Eddy Louiss assure les notes bleues de « Valérie et Martey’s » dans une bande-son composée à la hâte, en quinze jours, sous la conduite d’Éric de Marsan.

« La consigne de Melville était simple. La musique devait fonctionner comme un portrait intérieur de Costello. Autrement dit d’un personnage marqué par un passé et surtout un destin. Voilà ce que je devais exprimer : un fatum… », explique François de Roubaix.

Ce fatum instrumental est dévoilé durant les premières minutes (quasi muettes) du film. « Le samouraï » et son thème d’introduction sont les alter ego de Jeff Costello-Alain Delon, tueur froid et déterminé. Une spirale d’accordéon en chute libre est suivie par une ponctuation de cordes non résolue, à la manière de Bernard Herrmann.

François de Roubaix
B.O. du Samouraï François de Roubaix

Le mystère qui entoure le personnage d’Alain Delon laisse place à une toccata pour grand orgue, une musique d’église dont les hauteurs vertigineuses ne renvoient que l’écho d’une solitude implacable, une métaphore sonore qui puise également ses source dans le Bushido, le code d’honneur des samouraïs japonais : « il n’y a pas de solitude plus profonde que celle du samouraï si ce n’est peut-être celle du tigre dans la jungle… »

Sources : www.cadenceinfo.com

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CREDITS :

Enregistré en 1967 à Paris – Philips records

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