De son vrai nom Angenor de Oliveira, Cartola est né à Rio de Janeiro, le 11 octobre 1908, dans le quartier du Catete. Après une enfance peu heureuse, il quitte à quinze ans, à la mort de sa mère, toit familial et école, pour mener une vie d’errance et d’aventures.
En 1928, Cartola fait la connaissance de Carlos Cachaça, alors membre fondateur du groupe carnavalesque Bloco dos Arengueiros. Tous deux passionnés de samba et de carnaval, ils unissent leurs efforts pour fusionner ce groupe avec d’autres et créent, dès le 30 avril de l’année suivante, la seconde école de samba officielle de Rio de Janeiro, le toujours fameux G.R.E.S. Estaçào Primeira da Mangueira.
C’est là, dans les préparatifs fiévreux du carnaval, que Cartola écrit son premier samba sur son cavaquinho : chega de demanda, qui servira de musique d’accompagnement au défilé de l’école.
Au tout début des années trente, les favelas de Rio ne font pas encore peur. L’atmosphère y est presque bon enfant. Les producteurs des maisons de disques n’hésitent pas à se rendre sur les mornes pour écouter les sambistes créer et jouer, et se fournir en partitions originales qu’enregistreront leurs poulains.
Francisco Alves, en visite à Mangueira, entend ce morceau et demande à faire la connaissance de Cartola. En quête d’argent, celui-ci lui vend plusieurs autres compositions : divina dama, qual foi o mal que eu te fiz ? et nâo faz, amor, écrit en collaboration avec Noel Rosa.
Jusqu’à la fin des années trente, Cartola partage son temps entre l’école de samba de Mangueira, l’enregistrement de quelques disques (dont les deux volumes réalisés pour Leopold Stokowski et Heitor Villa-Lobos, avec, entre autres, Jolb da Baiana, Pixinguinha et Donga) et, surtout, l’écriture de sambas cançôes.
L’un de ceux-ci, nâo quero mais amar a ninguém (écrit avec Zé da Zilda et Carlos Cacha ça en 1937) sera repris de façon admirable en 1973 par un chanteur à la voix faite pour le samba cançâo : Paulinho da Viola, ‘toujours avec Carlos Cachaça, Cartola écrit va sorrindo avant de créer, en 1941 avec la complicité de Itoulo da Portela, l’émission A voz do Morro sur la Radio Cruicelro do Sul.
En 1945, Cartola disparaît complètement de la vie artistique carioca. Même ses meilleurs amis n’ont plus aucune nouvelle de lui. Beaucoup le pensent mort, certains compositeurs vont même jusqu’à lui écrire des hommages posthumes…
C’est en 1950 que le journaliste Sérgio Porto retrouve sa trace. Cartola a quarante-deux ans. Pour survivre, il est devenu laveur de voitures dans un garage ; la nuit, il est veilleur d’immeubles. Sur cette absence mystérieuse, Cartola ne s’expliquera jamais. Aidé par Sérgio Porto, il revient peu à peu au centre de la vie artistique avec, pour commencer, un petit emploi dans le journal Diàrio Carioca.
En 1961, il épouse Eusébia Silva do Nasdmento, dite Zica, avec qui il ouvre un restaurant Rua da Carioca, en 1964. Plus qu’un banal restaurant, le Zi cartola est le point de rencontre des sambistes de la vieille garde et des jeunes musiciens de la génération post bossa nova — parmi lesquels l’attachante Nara Leao qui enregistrera, au cours du Show Opiniao 91, l’un de ses sambas cançôes, écrit avec Elton Medeiros et intitulé O sol nascerà (1964).
Cartola n’est pas un compositeur aussi prolixe que d’autres, mais ses sambas cançôes, il les distille avec soin, sans jamais se laisser tenter par les maisons de disques qui poussent trop souvent à la surproduction.
En revanche, son caractère tranquille et quelquefois imprévisible, son amour total pour le morne de Mangueira et son école de carnaval, sa gentillesse légendaire quelquefois empreinte de douce mélancolie et son sens du rythme font de Cartola l’un des meilleurs compositeurs de sambas cançoes.