Musicien surdoué, compositeur et arrangeur brillant, chanteur d’exception, Donny Hathaway a donné naissance à un formidable héritage musical en trois années d’activité intensive couronnées par une série de hits en solo, mais aussi en duo avec Roberta Flack. Cet artiste torturé qui, à l’instar d’autres légendes soul comme Otis Redding, Sam Cooke ou Marvin Gaye, eu une carrière fulgurante écourtée par une fin tragique.
Né à Chicago en 1945, Donny Hathaway a grandi à Carr Square village, un quartier désœuvré de Saint-Louis. Gamin, il passe le plus clair de son temps à l’église, dans les jupons de sa grand-mère maternelle, Martha Crumwell Pitts, une figure locale de la scène gospel et une fervente pratiquante de l’église Baptiste de la Trinité.
À trois ans, le jeune garçon fredonne avec elle How Much I Owe, Love Divine, un classique du répertoire des spirituals. Le point de départ d’une troublante quête spirituelle et musicale.
À quatre ans, il endosse le costume de « Little Donnie Pitts, the Nation’s Youngest Gospel Singer ». Avec son ukulélé, il devient une véritable attraction. De toute la région, les gens viennent écouter ce petit prodige faire son numéro. Quand il n’est pas à l’église, Donny Hathaway fait des gammes et aimerait bien ressembler à Walter Liberace, célèbre pianiste de music hall des années 40. Il rêve aussi de sauter par la fenêtre du salon de la maison de sa grand-mère pour aller jouer avec ses copains.
Musicien accompli dès le début de l’adolescence, Donny Hathaway n’hésite pas à se frotter à des œuvres classiques difficiles comme le Concerto pour piano en La mineur d’Edvard Grieg et joue l’accompagnement du Messie de Haendel au lycée avant de s’envoler pour l’université d’Howard à Washington.
Ce fief de la pensée afro-américaine marque un tournant majeur dans sa vie d’homme et de musicien. Trois années fastes pendant lesquelles il fait des rencontres déterminantes et semble se libérer du joug familial. À Howard, il fait aussi la connaissance d’Eulalah. Elle deviendra son épouse et la mère de ses filles aînées, Lalah et Kenya, aujourd’hui chanteuses.
Au-dessus du lot, Donny Hathaway force le respect de ses professeurs et se passionne déjà pour les compositeurs impressionnistes français et les classiques du jazz font partie de son univers. « Il avait compris d’où il venait et avait intégré ce qui s’était passé avant lui. C’est essentiel pour un musicien » assure Quincy Jones, avec qui il a travaillé au printemps 1972 sur la bande originale de Come Back Charleston Blue, un film blaxploitation.
Pendant ses années de fac, Donny Hathaway se forge une solide réputation. Son habileté vocale et son aisance au piano en font un acteur majeur de la scène locale. Il se produit avec le trio de son ami Ric Powell dans des clubs et compose The Ghetto avec son copain de chambrée, Leroy Hutson.
Remarqué par Curtis Mayfield en 1967, il se fait embaucher sur son premier label et fait l’une de ses premières apparitions discographiques au piano sur un 45-tours des Fascinations, un groupe de filles dans lequel officie Martha Reeves. Un an plus tard, Curtis Mayfield fonde le label Curtom. Sans terminer ses études, Donny Hathaway le rejoint, devient son directeur musical et travaille avec l’arrangeur Johnny Pate.
À 23 ans, Donny Hathaway sait tout faire et devient rapidement un acteur incontournable de la scène de Chicago. Il travaille avec The Staple Singers, Jerry Butler, Aretha Franklin, Curtis Mayfield. Ce n’est qu’en 1969 qu’il débute une carrière de chanteur, enregistrant le titre « I Thank You Baby » avec June Conquest. Signant chez le label ATCO l’année suivante, il sort son tout premier album Everything Is Everything en 1970, contenant deux de ses classiques : The Ghetto (qui sortira en single) ainsi que le titre éponyme.
« Un jour, il m’a invité chez lui pour m’apprendre à lire la musique, raconte Leslie Carter. Il avait composé Life, une symphonie classique. Il avait écrit les parties pour chaque instrument de l’orchestre et me les a jouées au piano. Donny n’était pas seulement fasciné par Debussy, Ravel, Satie ou Gershwin : il était de la même trempe qu’eux.
Il faut néanmoins attendre 1971 et son second album Donny Hathaway pour rencontrer un succès favorisé par les critiques qui accompagnent la sortie du LP. 1971 est également l’année durant laquelle il enregistre son premier titre en duo avec son amie (et ex-camarade de classe à Howard) Roberta Flack : « You’ve got a Friend ». La reprise de la chanson de Carole King atteint rapidement le Top 10 des ventes de titres R&B aux États-Unis, et ce succès pousse les deux artistes à enregistrer cette fois ci un album complet, éponyme une nouvelle fois. Sorti en 1972, il contient le très populaire « Where is the Love ? » qui, après s’être classé dans les charts R&B et Pop (fait remarquable pour l’époque), remporte un Grammy. Le tube dynamite les ventes de l’album du couple, qui sera certifié gold (500 000 ventes aux États-Unis).
Au sommet de son succès, Donny Hathaway multiplie les projets : il compose la musique du film Come Back Charleston Blue (1972), enregistre le thème de la série télévisée Maude, mais surtout profite de ses concerts pour sortir son 4e LP, Live. Probable plus grande œuvre de l’artiste, l’album témoigne d’une communion hors du commun entre le chanteur, ses musiciens et les audiences.
Lorsqu’il m’a engagé en juin 1973, Donny Hathaway ne voulait plus se contenter d’être un chanteur de R&B à succès. Il voulait aussi gagner la respectabilité du monde du jazz. Il était déjà très respecté chez les musiciens : Stevie Wonder avait beaucoup d’admiration pour lui. Il disait que Donny était un génie, qu’il avait beaucoup appris à ses côtés. Dans le contexte de l’époque, c’était énorme, car Stevie était une référence. Pour plaisanter, il racontait qu’il venait lui piquer ses plans. Tous les deux partageaient le même goût pour les synthétiseurs. Donny avait raccordé un Echoplex sur son piano Rhodes. Cette chambre d’écho portable à lampes lui permettait de faire des boucles d’une phrase qu’il venait de faire et de jouer dessus. Il l’utilisait en concert et en studio, comme sur I Love The Lord, He Heard My Cry, en ouverture de l’album d’Extension Of A Man”, paru en juin 1973.
(Leslie Carter)
Paradoxalement, c’est lorsque le talent du chanteur éclate au plus grand nombre que la vie de celui-ci prend un tournant tragique. A partir de 1972, Donny Hathaway se met à souffrir de dépressions. Périodiques, imprévisibles, elles causent de nombreuses hospitalisations à l’artiste dont la relation avec Roberta Flack se dégrade. Très affaibli, le chanteur trouve les forces d’enregistrer un nouvel album, Extension of a Man, dont le ton reflète l’état de son compositeur : plus doux, ambitieux et mélodique, c’est également celui qui contient l’une de ses plus marquantes compositions, « Someday We’ll All Be Free ».
Quasiment absent de la scène musicale entre 1973 et 1978, ne se produisant plus que rarement, dans de petits clubs, Donny Hathaway semble être parvenu à bout de ses névroses lorsqu’il retourne en studio en 1977. Réconcilié avec Roberta Flack, il enregistre « The Closer I Get to You » pour le nouvel album de celle-ci. Le succès du titre est immédiat, et bientôt supérieur à celui de « Where is the Love », quelques cinq années auparavant.
Alors que sa vie était sur le point de repartir, peu après s’être mis d’accord pour enregistrer un nouvel album avec Flack, Donny Hathaway est retrouvé mort, le 13 janvier 1979, en contrebas de sa chambre au 15e étage de l’hôtel Essex, à New York. Sa fenêtre ouverte et l’absence de traces de violence sur son corps amènent les autorités à officialiser la thèse du suicide, laissant fans, proches et Roberta Flack dans la plus grande et malheureuse incompréhension.
Extraordinaire artiste un stevie wonder une icône i llllllloooooovvvveee very think he sings
Magnifique article au sujet d’un pilier de la musique universelle dont Hathaway fait incontestablement partie. Il en est même un des anges du style comme Wonder, Gaye, Al Jarreau, peut être Benson et White et je m’arrête là …
C’est d’abord une voix que l’on écoute, de plus en plus profondémment … avant d’être complétement subjugé. Il laisse un bout d’oeuvre de la trempe de Bach. C’est immersif, contemplatif, heureux, plein et entier.
Il laisse une contribution immortelle par son talent, son travail, sa voix, son jeu, et puis son âme qui transpire dans chaque titre.
Et puis j’aime si fort le panio Rhodes ..