Le Brésil semble posséder une réserve inépuisable de chanteuses pop au talent éblouissant, mais aucune ne peut faire oublier Elis Regina, dont l’impact s’étend bien au-delà de l’Amérique du Sud. Star dès l’âge de 20 ans lorsqu’elle remporte le concours d’un festival de musique brésilienne très important, avec son style extraverti, Elis Regina va offrir une alternative au minimalisme détaché de la bossa nova.
Surnommée par ses musiciens et les journalistes « hurricane » et « little pepper » pour son tempérament explosif, on a beaucoup médit d’Elis Regina : caractérielle, insupportable, lunatique, jalouse. Elle n’en demeure pas moins l’une des plus talentueuse chanteuse du Brésil.
Pour ma génération, résume son ancien producteur Luis Carlos Niele, Elis Regina a toujours été, et restera, en tête des grandes chanteuses brésiliennes. Et de loin ! Quand on a écouté Elis, on ne peut plus s’en passer. Les autres, à côté, paraissent un peu pâles.
Une fois, un jazzman américain qui voulait s’inspirer de la bossa-nova s’est écrié, après l’avoir entendue en concert : “C’est fou, on a l’impression qu’elle est blanche, mais dès qu’elle chante, on reconnaît que la voix est noire !” » Carlos Lyra parle d’une « Ella Fitzgerald brésilienne », d’une chanteuse magistrale qui avait le swing naturel. D’autres disent qu’elle avait l’allure et le charisme d’une Édith Piaf.
Née en 1945 à Porto Alegre, dans l’État de Rio Grande do Sul, Elis Regina Carvalho da Costa n’a que 20 ans quand elle remporte la première place du festival TV Excelsior en 1965, en interprétant Arrastâo, une chanson d’Edu Lobo et Vinicius de Moraes.
A l’époque, elle s’est déjà fait connaître lors de différents programmes de télévision, où son style de chant passionné contraste avec l’attitude intimiste de la bossa nova.
Cette victoire à TV Excelsior la propulse au sommet. Son énergie contagieuse et ses interprétations chargées d’émotion font d’Elis Regina une immense star au Brésil.
Elle enregistre de la bossa, de la samba, et les nouveaux styles éclectiques des compositeurs de MPB émergeants. Elle anime le programme de télé O fino da bossa (Le meilleur de la bossa) avec le chanteur Jair Rodrigues, de 1965 à 1967, et le programme de MPB Som Livre Exportaçâo avec Lins, en 1970 et en 1971. Elle met aussi en scène d’ingénieux spectacles qui mêlent harmonieusement musique et théâtre.
Elis Regina a un flair particulier pour trouver de nouveaux compositeurs talentueux de musique brésilienne. Elle est la première à enregistrer des chansons de Milton Nascimento, d’Ivan Lins, de Joâo Bosco et de Belchior, qui vont tous devenir célèbres par la suite.
Durant ses vingt années de carrière fructueuses, Elis Regina va enregistrer des hits comme Madalena, de Lins, Romaria de Renato Teixeira, Upa Neguinho, de Lobo, O bebado e o equilibrista de Bosco et Blanc, Como nossos pais de Belchior et Aguas de Março de Jobim.
La vie de cette chanteuse charismatique est interrompue tragiquement par une overdose de cocaïne en 1982. Elis Regina n’a alors que 36 ans.
Au Brésil, la plupart des critiques et des amateurs de MPB la considèrent comme la chanteuse brésilienne la plus importante de son temps. Des années après sa mort, on trouve encore des graffitis sur les murs des villes brésiliennes qui disent : «Elis vive» (Elis est vivante).