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Après le triomphe historique d’Il était une fois dans l’Ouest (1968), Sergio Leone retrouve le genre du western et pour la cinquième fois depuis « Pour une poignée de dollars » (1964), son compositeur fétiche Ennio Morricone. Pour la bande sonore, le compositeur italien renoue avec son sens de l’insolite à travers une instrumentation innovante. Son thème principal, Giù la Testa (du nom du film en italien) donne le ton, avec ses envolées lyriques accentuées par la voix sublime d’Edda Dell’Orso et les chœurs masculins.

L’histoire ? Mexique 1913. Le détrousseur de diligences Juan Miranda et John Mallory, un ex-membre de l’IRA dont la tête est mise à prix, s’apprêtent à dévaliser une banque à Mesa Grande. Mais les deux truands vont être plongés malgré eux dans la révolution mexicaine. L’inventeur du western-spaghetti donne libre cours à son style baroque. Si Il était une fois la révolution débute par la parodie et l’humour grinçant chers au cinéaste italien, le pastiche se mue peu à peu en une fresque historique désenchantée : la révolution et l’amitié y apparaissent comme des idéaux déçus, inextricablement mêlés d’illusion, de violence et de trahison.

Ennio Morricone Il était une fois La Révolution

Le cinéma de Sergio Leone, c’est la rencontre du trivial et du lyrisme. Le trivial visse ses personnages à terre, les pieds dans poussière ; le lyrisme les élève en pensées vers un autre destin qui reste inaccessible. Le trivial au début d’Il Etait une fois la révolution, c’est Juan (Rod Steiger) urinant sur des fourmis. Puis le même violant une femme sous le regard d’une caméra indifférente au sort de la femme (seul le point de vue de Juan est représenté).

Le lyrisme est apporté par l’extraordinaire musique d’Ennio Morricone. Ce qui est le plus frappant ici, c’est la rapidité avec laquelle on passe du trivial au lyrisme comme si la condition de l’homme selon Leone oscillait inexorablement entre instincts primaires et propension au rêve, les deux créant un alliage de boue et d’or mêlés.

Ennio Morricone Il était une fois La Révolution

Le compositeur italien renoue avec son sens de l’insolite à travers une instrumentation innovante, intégrant les détonations de la révolution, une voix qui entonne le légendaire « Sean, sean, sean » (prénom du personnage de James Coburn), un chant interprété par la soprano Edda dell’Orso, et une mélodie sifflée (par le siffleur Alessandro Alessandroni), à la fois légère et nostalgique.

Je n’aime pas du tout me répéter et expliquer les choses plusieurs fois, et avec Ennio c’est très facile, en un regard nous nous comprenons tout de suite. Il est capable de réécrire un morceau de musique quatre ou cinq fois si je ne l’aime pas du tout. […] C’est plus qu’un compositeur pour moi. Je n’aime pas du tout les mots dans les films, j’espère toujours faire un film muet, et la musique se substitue aux mots, alors on peut dire que Morricone est l’un de mes meilleurs scénaristes.

Sergio Leone 1

Ce mélange savoureux témoigne avec décontraction d’un certain humour, tout en prolongeant l’esprit frondeur du récit et l’espièglerie des personnages.

Ennio Morricone Il était une fois La Révolution

Parmi les pistes lyriques s’impose le thème principal « Il était une fois la révolution » (« Giù la Testa » titre original du film en Italie ) qui rappelle celui d’Il était une fois dans l’ouest. On y retrouve la même ampleur orchestrale au-dessus de laquelle flotte la sublime voix de la soprano Edda Dell’Orso que tempère la chaleur d’un hautbois pastoral, tandis que des chœurs d’hommes entonnent le leitmotiv Sean Sean Sean.

Ce classique indémodable est repris pour « La Mort de Nos Fils » en lui adjoignant comme seconde partie une digression caressée par la douce nonchalance d’une clarinette et des sifflements d’Alessandro Alessandroni, et par une guitare acoustique proche du banjo.

Suivant le même principe, « Invention Pour John » propose une variation du thème principal, cette fois étendue sur près de 9 minutes.

La « Marche des Mendiants », composition atypique du maître comme il lui arrive d’en livrer de temps à autre, est une marche militaire qui en respecte apparemment les codes pour mieux les détourner. En y infusant, par l’emploi d’instruments iconoclastes (un tuba ?), un humour délicieux, Morricone transcende l’exercice de style jusqu’à lui conférer une tendresse imprévue.

Ennio Morricone Il était une fois La Révolution

« Blagues à Part », avec beaucoup d’ironie et d’humour, réussit aussi le pari d’être à la fois grotesque, en mettant en avant un instrument à cuivre comme le tuba ou le basson basse sautillant, et poétique en lui accolant contre toute attente une flûte à bec délicatement parodique que l’on entendra de nouveau dans d’autres westerns iconoclastes comme le célèbre Mon Nom est Personne.

Giu la Testa est la bande originale de la dernière incursion de Leone dans le genre. Il en résulte un certain romantisme doux-amer qui infuse les bizarreries typiques des partitions de Morricone et l’une des plus grandes réussites de son catalogue.

  1. Entretien de Sergio Leone pour radio France – 24/02/1989 ↩︎

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CREDITS :

Enregistré en 1971 – Cinevox Record

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