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En 1997, Erik Truffaz se révèle aux oreilles d’un public plus large que les seuls amateurs de jazz. Avec l’album The Dawn, le trompettiste jurassien impose un son qui fait bientôt école : un jazz tout acoustique qui se réinvente à l’aune des rythmiques surgies de la sphère électronique. Drum’n’jazz, jungle acoustique, les néologismes ne manquent pas pour qualifier cette formule insaisissable, aux lisières des catégories bien définies.

Avant d’en arriver là, le trompettiste a été à bonne école. Erik Truffaz a grandit dans un environnement musical et scénique avec son père saxophoniste, dans des groupes de pop et de variété. Il baigne dans la culture populaire française tout en se découvrant une passion pour le rock à l’adolescence.

J’adorais Creedence Clearwater Revival, Slade, les Chaussettes Noires, les premiers rock de Johnny Hallyday, les Rolling Stones. C’est la découverte des guitares issues du blues. Mais pour autant, mon premier concert était Joe Dassin que j’étais allé voir avec mes parents !

Erik Truffaz

Alors qu’il commence très tôt la trompette, vers ses 6 ans, la découverte de Miles Davis à ses 12 ans va changer sa perception du jazz.

Miles Davis incarne la révolution du jazz. On m’avait prêté un vinyle intitulé « Kind of ‘Blue ». J’ai tout de suite adoré. La musique n’est pas simple, mais évidente. Il y a beaucoup d’espace et les rythmes sont souvent assez lents. Donc on peut comprendre le langage du jazz, comme quand on ne connaît pas une langue et que quelqu’un parle lentement. En l’écoutant pour la première fois, j’ai eu la sensation de pouvoir monter sur un tapis et de voler dans la musique.

Erik Truffaz

Il intègre le conservatoire classique puis les ateliers jazz de l’AMR à Genève. Entré dans le circuit professionnel, il se distingue en obtenant le prix spécial du jury, au très courtisé concours de La Défense en 1993, avec le quintette classique qui officie sur son premier disque, Nina Valeria.

Erik Truffaz Quartet The Dawn
Erik Truffaz The Dawn

Dans la foulée, il signe un premier album sur Blue Note, Out of Dreams (1996), tout en s’invitant régulièrement dans le groupe de rap Silent Majority et en jouant dans le club londonien Blue Note, phare de la mouvance drum’n’bass. Autant dire que son parcours suggérait déjà entre les lignes une esthétique qui traverse les frontières stylistiques, suivant en cela son mentor, Miles Davis.

The Dawn est l’œuvre du quartet d’Erik Truffaz – du moins celui avec lequel il officia jusqu’à Bending New Corners : Patrick Muller au clavier, Marcello Guiliani à la basse électro-acoustique et contrebasse, Marc Erbetta aux percussions.

Album jazz de haut vol, de facture relativement classique si ce n’est le flow rappé de Nya qui joue les funambules sur le fil fragile déroulé par les musiciens. Plus qu’un invité discret, contrairement à ce que pouvait laisser croire son statut de « special vocal guest », Nya participe quasiment à tous les morceaux, conférant quelque chose comme une agréable nonchalance à The Dawn.

Erik Truffaz Quartet The Dawn
Erik Truffaz Quartet The Dawn

Dès le premier titre « Bukowsky-Part 1 » Nya aromatise l’album de prestations aux essences similaires à celles de la meilleure herbe. ‘‘I’ve got verbal herb for your mind, ’cause I’m the bush doctor ». Parfum envoûtant mais aussi persistant. Respectant toujours la circulation des échanges entre les instruments et sa voix, la phrase citée précédemment, une fois suspendue en cours de diction, afin de laisser transiter le son de la trompette.

Ambiance humide et fraîche sur ‘Wet In Paris’. Pas de météo du cœur pour Nya, de couples trempés sous un parapluie qui se disent adieu sur les Grands Boulevards mais un poème. Le pianiste exécute une composition entêtante, complice de celle de Truffaz et se prolongeant plusieurs minutes.

Sur l’interlude ‘Slim Pickings’, Le rappeur-poète n’aura aucun support musical . Un titre a capella, dans la grande tradition du slam.

Le dernier titre ‘Free Stylin », pratique l’heureuse fusion d’une discipline – le freestyle – chère au jazz comme au rap. On sent le quartet très à l’aise quand il s’agit d’évoluer sans partition. Chacun tire son épingle du jeu, livrant par petites touches successives le fruit de son talent sans jamais négliger l’importance du tout musical.

Le disque suivant, Bending New Corners, viendra confirmer l’importance révélée par The Dawn du quartet – toujours accompagné de Nya – sur la planète jazz. Puis celui-ci se séparera, Erik Truffaz se tournant d’avantage vers la musique orientale avec la même réussite.

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CREDITS :

Enregistré les 29-30-31 décembre 1997 au Studio Du Flon – Lausanne (Suisse) – Blue note records

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