Ernest Ranglin est le Django des Caraïbes. Comme le maitre manouche, il évolue en improvisation permanente, jamais gêné par les contraintes techniques. Son style est un délice de musicalité, ses notes gambadent sur le groove, le parent d’une douce légèreté. Un rien d’innocence éclaire les interventions de ce vétéran, longtemps le meilleur secret de son ile, avant de découvrir le monde sur le tard.
Fan de Charlie Christian, débutant sur un petit ukulélé, l’adolescent migre vers Kingston à la fin des années quarante, joue dans des hôtels pour touristes, les standards de Benny Goodman, d’Ellington. Il enregistre chez Coxsone sur quantité d’instrumentaux, et signe avec « Shuffling Bug » le premier hit du ska. Le ska, version accélérée du groove néo-orléanais, grand oncle agité du rock steady et du reggae.
Ernest Ranglin Below the bassline
Ranglin est repéré par Chris Blackwell qui, sidéré par sa déconcertante facilité, l’engage sur Island qu’il vient de créer. En 1964, il se produit en Europe, à Londres, au Ronnie Scott pour un soir : le patron lui offre de rester à l’affiche les neuf mois suivants !
Puis, le bonhomme reprend ses habits d’homme de studio, dans un anonymat indigne de son génie. Pendant les années 60 le petit Ernest devient l’un des piliers de l’équipe de musiciens jouant pour le label Studio One, et collabore également avec Lee Scratch Perry ou encore Prince Buster.
Pour la petite histoire, Ernest Ranglin composa également la plupart des “morceaux locaux” de la bande originale du premier James Bond, Dr No, bien que seuls les interprètes furent crédités (Byron Lee & The Dragonnaires).
Remis en piste miraculeusement, Ernest Ranglin renoue en 1996 avec le jazz, avec son partenaire Monty Alexander, producteur et pianiste sur cette session à laquelle se joignent Idris Muhammad (batterie) et Ira Coleman (basse).
« Below the Bass line » est un album aussi magistral que modeste. Ici, pas de chant, pas de dénonciation, juste un dialogue entre une guitare et un piano sur des percussions tendres et une lourde basse.
Après avoir tant enregistré et arrangé pour d’autres, Ernest affiche son nom sur le devant d’une pochette. Pour fêter cette renaissance, il convoque au piano ni plus ni moins que son ami d’adolescence, Monty Alexander. D’autres artistes font leur apparition, tels que Gary Mayone (clavier et percussions) ou le cubain Roland Alphonso (The Skatalites : saxophone tenor & soprano).
Pour Ernest, être capable d’aligner dix notes à la seconde à soixante ans ne pose aucun problème, le tout avec un groove bien pesé (solos de « Surfin' »). La conversation avec le piano y est omniprésente. Pas de démonstration de force, pas d’effet pyrotechnique sur scène, pas d’odeur de snobisme non plus : la musique glisse, piste après piste, avec cette joie communicative, ce plaisir de partage du musicien.
Même si la syncope chaloupée de son pied sous-tend la plupart des airs, le soliste légendaire, ses cordes qui pétillent, ses phrases souriantes, semble raconter l’histoire du gosse qui se dégourdissait les doigts et rêvait sur les standards de ses idoles américaines.
Sources : www.discogs.com – www.allmusic.com – www.jazzmusicarchives.com – www.guitarworld.com – https://pan-african-music.com
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CREDITS :
Enregistré en 1996 aux Sony Music Studios, New York – Island records
- Acoustic Bass – Ira Coleman
- Drums – Idris Muhammad
- Engineer – Andrew Page (2), Mark Wilder
- Engineer [Assistant] – Miriam Gonzales, Robert Schwartz (2)
- Executive Producer – Trevor Wyatt
- Guitar – Ernest Ranglin
- Keyboards, Percussion – Gary Mayone
- Mastered By – John Dent
- Mixed By – Mark Wilder
- Other [Project Co-ordinator] – Mark Van den Bergh
- Piano, Melodica – Monty Alexander
- Producer – Monty Alexander