Sur le toit d’un immeuble du New jersey, Ghost Dog vit solitaire au milieu de ses chers pigeons voyageurs. Il perfectionne sa culture de samouraï et sort seulement pour exercer son métier, tueur… Jarmusch se lance cette fois dans le film noir avec plusieurs références claires à Melville et à son Samouraï. Pour le producteur de hip hop RZA, leader du groupe Wu-Tang Clan, c’est l’occasion de signer un score décalé et de mettre en pratique ses obsessions pour les arts martiaux et la philosophie orientale.
Réalisé par Jim Jarmusch, ce western moderne raconte l’histoire de Ghost Dog, tueur pour la mafia, un jour chargé d’exécuter l’amant de Louise, la fille de Vargo (Henry Silva), un des boss de l’organisation.
Film nimbé d’une ambiance irréelle comme nombre des longs-métrages de Jarmusch, Ghost Dog est un film bourré de références plus ou moins cryptiques à la philosophie du Bushido, à Rashomon, au film de John Woo The Killer, à celui de Jean-Pierre Melville Le Samouraï avec Alain Delon, et à l’univers du hip hop.
Jim Jarmusch aime bien confier la BO de ses films à des compositeurs qui ne sont pas issus du milieu du cinéma : le jazzman John Lurie, le rocker Neil Young et donc, pour le film « Ghost Dog », l’un des leaders du Wu-Tang Clan, The RZA. Ce dernier a l’habitude de mêler les ambiances sonores orientales avec le hip-hop et il apparaît comme le choix idéal.
J’ai toujours fait mes films avec des musiques organiquement liées à l’histoire. C’est moitié son, moitié image, à chaque film. Je vis à New York et j’ai vécu la naissance du mouvement hip-hop. Depuis le début c’est une de mes sources d’inspiration. Depuis Kurtis Blow, Afrika Bambaataa, Easy B. Le hip-hop, c’est à la fois la synthèse et le prolongement du blues, de la soul et du dub. C’est une culture novatrice qui ravive toutes les musiques de ce siècle. Pour Ghost Dog, je me suis beaucoup inspiré des textes du Wu-Tang Clan pour écrire, je leur ai piqué pas mal de petites histoires. Je voulais que RZA soit libre à son tour pour faire vivre l’histoire avec ses musiques. C’est le Jimi Hendrix de sa génération, le Thelonious Monk du hip-hop. »
Jim Jarmusch
Plutôt que de copier les scores de films de gangsters déjà existants, l’homme du Wu-Tang Clan reste strictement rap dans son approche, empilant des boucles de samples pour créer des instrumentaux abstraits, à mille lieux des ambiances classiques des films noirs.
« Je n’ai pas la folie des racines africaines. L’Afrique, ce n’est qu’un nom qu’un explorateur a donné à une terre. On nous présente, souvent pour nous faire plaisir, l’Afrique comme le berceau de l’humanité, mais pour moi les origines de l’homme sont aussi bien en Afrique qu’en Asie. J’aime mieux croire que le premier homme est asiatique. Très jeune, c’est pas l’Afrique qui m’attirait, mais l’Extrême-Orient. La culture américaine semblait statique, bloquée, celle de l’Asie nous faisait vibrer. Tous les membres du Wu-Tang ont vu les mêmes mangas japonais à la télé. (RZA)
Le « Ghost Dog Thème » d’intro donne le ton : beat lourd, cris de chiens dans le fond du mix, échos étranges et ambiance trouble. On n’est ni dans un film de kung-fu, ni dans un film de gangsters, on est dans le territoire de RZA, où répétition vaut raison. Les samplers tournent à plein régime, récoltant des bribes de soul extraites de disques obscurs compilés par le maître.
« Gangsters Thème » est une virgule jazzy hip hop, « Dead Birds » illustre, sans jouer la carte du pathos, la séquence durant laquelle Ghost découvre ses pigeons voyageurs morts.
Le Wu-Tang Clan est annoncé sur « Fast Shadow (Version 1) », mais on n’entend que Method Man et Ol’Dirty Bastard sur ce morceau qui dure moins de deux minutes. La « Version 2 » du même morceau fait tourner le micro à tous les membres du Clan, seul titre de la BO à présenter le groupe, qui apparaît aussi sur « Wu-World Order », présent sur le CD mais non utilisé dans le film.
Dans Ghost Dog, un Noir va servir jusqu’à la mort un Blanc mafieux : certains m’ont dit « Mais où est le message du rap, où est la rébellion, la rage ? » Je ne vois pas de quoi ils parlent. Le Noir est un samouraï, le film est un conte. Le premier groupe de rap s’appelait Grandmaster Flash. D’où vient ce nom ? D’un héros des films qu’on allait voir dans les salles du quartier. Des films de kung-fu, de karaté, de samouraïs. Des films à un dollar. Avant qu’ils ne deviennent à la mode, c’était des films de fauchés asiatiques pour les fauchés des ghettos blacks. J’ai tout de suite aimé les héros de ces films. Ma culture vient de là, le hip-hop aussi. » (RZA)
Chaotique, mininimaliste et à mille lieux des scores hollywoodiens classiques, la BO de Ghost Dog correspond bien aux images qu’elle illustre en se présentant comme un disque à mi-chemin entre plusieurs mondes qui ont pour habitude de s’ignorer. On n’imaginait pas Jarmusch choisir Hans Zimmer pour mettre en musique ses haïkus mafieux, et ce disque le confirme.
RZA fait une apparition à l’image, tout comme les rappeurs Timbo King et Dreddy Kruger, faisant de ce dixième film dans la filmographie de Jim Jarmusch le plus marqué par le rap new-yorkais.
Source : www.lesinrocks.com – https://pitchfork.com – www.discogs.com – www.thebackpackerz.com
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PISTES :
Enregistré en 1999 – 36 Chambers Studio, New York – Victor Entertainment Japan
- Ghost Dog Theme (1’39 ») – participation de Dogs et de EFX
- Opening Theme(« Raise Your Sword ») (3’23 ») [Instrumentale]
- Flying Birds (1’13 »)
- Samurai Theme (1’19 »)
- Gangsters Theme (1’06 »)
- Dead Birds (0’49 »)
- Fast Shadow [Version 1] (1’25 ») – participation du Wu-Tang Clan
- RZA #7 (1’48 »)
- Funky Theme (2’31 »)
- RZA’s Theme (2’31 »)
- Samurai Showdown (« Raise Your Sword ») (3’58 ») – participation de RZA
- Ghost Dog Theme II (1’17 »)
- Fast Shadow (version 2) (2’47 ») – participation du Wu-Tang Clan
- Untitled #8 (2’01 ») – Non utilisé dans le film
- Untitled #12 (2’46 ») – Jazz (non utilisé dans le film)
- Wu-World Order [Version 1] (3’33 ») – participation du Wu-Tang Clan (non utilisé dans le film).
Dr. No : ingénieur du son
RZA : Arrangement, Compostion, Mixing, Producteur
Remarque : La version japonaise de la BO, est principalement instrumentale, contrairement à la version US, une compilation de chansons inspirées par le film, sortie en 2000 sous le titre Ghost Dog: The Way Of The Samuraï, The Album.
Disque terrible à écouter en boucle RZA est vraiment un maitre
Petite précision : en plus d entendre method man et odb, on entend masta killa