En 1970, les frères Palmieri, Eddie et Charlie, prennent le contrôle de cet album cultissime en tant que leader. A leurs côtés, une escadrille de tueurs prêts à exploser : Andy Gonzales, Cornell Dupree et le batteur le plus funky du moment, Bernard « Pretty » Purdie. Les Palmieri et leurs acolytes mixent mambo cubain, salsa pure, soul music, atmosphère blues et jazz fusion de déménageur. Le cocktail d’Harlem River Drive est une saveur unique de son temps lorsque les cloisons entre nu yorican soul, jazz, rhythm’n’blues, funk et rock étaient on ne peut plus poreuses.
Né en 1936 à Spanish Harlem au sein d’une famille d’immigrés portoricains, Eddie Palmieri incarne le triomphe d’une tradition new-yorkaise de musique latine qui mêle rythmes afro-cubains et influences nord-américaines.
A 19 ans – il a quelques formations éphémères derrière lui – il remplace son frère ainé Charlie en tant que pianiste dans le Johnny Segui’s band, puis rejoint en 1958 le Tito Rodriguez’s mambo orchestra. Impossible de décrire New York, ces années-là. En gros, ce qui a lieu pour les musiques noires sur la 52e Rue, apparaît décuplé au Palladium, temple-lupanar de l’exil latin.
Eddie Palmieri Harlem River Drive
En 1961, Palmieri fonde sa petite entreprise. Un orchestre qui altère durablement le cours des musiques tropicales. Dans un bouge du Bronx, le Tritons Social Club, il entend un tromboniste dont le son suffit à décoller les rétines.
Avec Barry Rogers, il dépose un nom prophétique: La Perfecta. La plus puissante phalange de l’histoire latino-américaine, dont les deux trombones (José Rodriguez affûte la seconde coulisse) et la flûte (George Castro) constituent la particularité et la force. La rupture, aussi. Eddie Palmieri ne se contente pas de rythmer les danses de salon et de pistes. Il veut rendre compte, avec le moins de pondération possible, du raz-de-marée cubain qui déferle sur l’Amérique nordique.
Je ne connaissais pas grand chose au jazz avant de rencontrer le tromboniste Barry Rogers. A l’époque, Barry avait l’habitude de jouer au cours d’une même soirée avec John Coltrane au Birdland et avec Johnny Pacheco au Triton’s. Le son de La Perfecta mélangeait ces influences et on a retourné New York ! Barry m’a ensuite présenté le guitariste Bob Bianco, qui fut mon professeur pendant vingt ans et m’a véritablement initié au monde des harmonies du jazz. J’ai acquis cette sensibilité, mais je ne me suis jamais considéré comme un pianiste de jazz. Le rythme et les percussions latines restent la base de toutes mes compositions, la matière première dont je pars pour élaborer des harmonies.
Eddie Palmieri
Pionnier du genre, Palmieri introduit au cours des années 1960 et 70 une série d’innovations stylistiques qui branche son héritage caribéen sur celui de la musique afro-américaine, jazz et rhythm and blues en tête, et fait souffler sous la semelle des danseurs l’esprit de la contre-culture de l’époque.
Nous vivions tous si proches, nous nous influencions mutuellement. J’ai entendu Horace Silver, Bud Powell, le quartette original de John Coltrane, Bill Evans. Mais aussi les papas de Cuba, comme Arsenio Rodriguez ou Jesus Lopez. Petit à petit, ces deux écritures se sont liées en moi. J’y ai apposé ma propre signature. On m’a appelé le Monk latin, parce que j’aime les dissonances.
Eddie Palmieri
En 1970, les frères Palmieri, Eddie et Charlie, prennent le contrôle d’un album cultissime en tant que leader: Harlem River Drive. A leurs côtés, une escadrille de tueurs prêts à exploser parmi lesquels le démentiel bassiste du Bronx Andy Gonzales, le guitariste Cornell Dupree (futur tricoteur du groupe Stuff) et le batteur le plus funky du moment, Bernard « Pretty » Purdie.
Les frangins Palmieri et leurs hommes de main d’un jour sont évidemment tous là pour mixer mambo cubain, salsa pure, soul music, atmosphère blues et jazz fusion de déménageur avec des arrangements souvent très sophistiqués.
J’ai commencé à expérimenter avec le piano électrique et les effets de reverb sous l’influence de ce que faisait alors Miles Davis sur In a Silent Way et Bitches Brew. Pour Harlem River Drive, j’ai eu l’idée de mélanger ma section rythmique latine avec des musiciens de l’orchestre d’Aretha Franklin et un chanteur de soul, Jimmy Norman. Une partie de mon public a toujours été afro-américain et je voulais accentuer ce crossover, en touchant d’autres radios que celles destinées au marché hispanique.
Eddie Palmieri
Sur « Harlem River Drive (Theme) » et « Idle Hands » on retrouve un son proche de celui du groupe War sur World Is a Ghetto. « If (We Had Peace) » a même servi de modèle à « City, Country, City » de Lee Oskar.
Le groupe semble infini jouant en totale symbiose. Il est fort à parier que Chick Corea a entendu dans le jeu de piano d’Eddie une possibilité stylistique pour les albums Light As a Feather et Romantic Warrior de Return to Forever.
L’album, paru en 1971, traduit un attrait pour le funk, en même temps qu’une conscience politique aiguisée.
Le concept d’Harlem River Drive était aussi d’adresser un message de justice sociale. L’époque était à la contestation, à la lutte contre le racisme et le colonialisme. Je participais à cette effervescence, en donnant des concerts dans les prisons ou au profit du mouvement des Young Lords [équivalent portoricain des Black Panthers].
Eddie Palmieri
A sa sortie, l’album sera un échec commercial et sa publication lui attirera quelques ennuis. Les Weather-men, une organisation d’extrême-gauche accusée de terrorisme par le gouvernement américain, ont eu la bonne idée d’en faire leur vinyle de chevet. Le FBI s’empressera de débarquer dans les bureaux du producteur après avoir trouvé plusieurs exemplaires au cours d’une opération.
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CREDITS :
Enregistré en 1971 à New York City – Roulette records
- Chorus – Allan Taylor (5), Marilyn Hirscher*
- Coordinator – Miguel Estivill
- Design – Ruby Mazur’s Art Department
- Engineer – Fred Weinberg
- Engineer [Remix] – Jay Messina
- Liner Notes – Wally Brill (3)
- Producer – Lockie Edwards*
- Producer, Piano – Eddie Palmieri
- Soprano Saxophone, Baritone Saxophone – Ronnie Cuber
- Vocals – Jimmy Norman
- Bass (Electric) – Andy González
- Trombone – Barry Rogers
- Drums – Bernard « Pretty » Purdie
- Guitar – Bob Mann
- Trombone – Bruce Fowler
- Trumpet – Burt Collins
- Organ – Charlie Pamieri
- Guitar – Cornell Dupree Accompaniment
- Drums – Dean Robert Pratt
- Sax (Tenor) – Dick Meza
- Congas – Eladio Perez
- Bass – Gerald Jemmott
- Manny Oquendo Congas, Cowbell, Timbales
- Drums, Timbales – Nicky Marrero
- Trumpet – Randy Brecker
- Drums – Reggie Ferguson
- Bass – Victor Venegas
Sources : www.cubalatina.com - www.universalmusic.fr - www.letemps.ch - www.allmusic.com - www.mondomix.com - www.discogs.com