Branleur magnifique, vocaliste merveilleux, touche-à-tout de génie, Nilsson aura hanté les coulisses du rock des sixties/seventies avec une belle insolence. Remarqué par Phil Spector puis par John Lennon en 1967, notre héros, est aussi et surtout un superbe compositeur. Avec Nilsson Schmilsson, sorti en 1971, l’artiste signe son chef d’œuvre – Gotta Get Up, Coconut – une œuvre éclectique, baroque et parfois barrée.
En 1968, lors d’une conférence de presse à New York pour annoncer le lancement de leur label Apple, on demande à Paul McCartney et John Lennon quel est leur artiste américain préféré. Ils répondent : « Harry Nilsson » devant des journalistes médusés. Ils sont tombés amoureux d’un album publié quelques mois plus tôt par ce fils d’artistes de cirque d’origine suédoise, « Pandemonium Shadow Show».
Grâce au coup de pouce de ses deux nouveaux fans, Harry Nilsson – qui galère à Los Angeles depuis des années (il a écrit des chansons avec Phil Spector, pour les Monkees, les Three Dog Night, mais n’a jamais rien vendu sous son nom) – reçoit des propositions intéressantes, notamment côté cinéma.
Harry Nilsson Nilsson Schmilsson
C’est ainsi que sa version de Everybody’s Talkin’ (une chanson de Fred Neil) se retrouve en 1969 sur la bande originale de Midnight Cowboy (Macadam Cowboy en français), film multi-oscarisé de John Schlesinger avec Jon Voight et Dustin Hoffman. Et c’est un tube.
Nilsson enchaîne avec un album consacré à Randy Newman, dont il est l’un des premiers champions ; c’est un échec commercial, mais les critiques s’extasient sur la souplesse vocale de l’artiste, sur les trois octaves et demie qu’il couvre avec tant d’aisance.
Il ne lui reste plus qu’à démontrer qu’il est aussi un auteur-compositeur de talent; c’est chose faite avec « Nilsson Schmilsson», produit par Richard Perry et enregistré à Londres avec la crème des musiciens locaux.
Nilsson Schmilsson marque un tournant dans la carrière de Nilsson. Richard Perry emmène l’artiste sur un terrain davantage créatif et fou. « Gotta Get Up « , un conte plein d’esprit sur la nécessité de dormir, fait immédiatement vibrer une corde sensible avec son ton ragtime des années 1930, tandis que » Down « , avec son ensemble de piano bluesy et éblouissant, attire l’attention.
Le titre accrocheur de calypso « Coconut » fait mouche (n°8 aux Etats-Unis, n°42 au Royaume-Uni). Il sera présent des années plus tard dans le film Reservoir Dogs de Quentin Tarantino. « Jump Into The Fire », un rock cradingue, prouve que Nilsson est capable de s’en sortir avec les meilleurs d’entre eux.
Paradoxalement, le plus gros tube qui en est tiré est sa version d’une obscure chanson du groupe Badfinger, signé sur Apple : dans la catégorie slow-parfait-pour-emballer, Without You passe un mois au sommet des charts américains, pareil en Grande-Bretagne et en France.
Les deux autres succès sont Coconut, sur rythme calypso (repris par Kermit dans le Muppet Show, vous la connaissez tous), et Jump Into The Fire, dans le genre rock musclé. À écouter aussi ! Gotta Get Up (faut se lever), comme un commentaire à la photo sur la pochette, qui le montre en robe de chambre le cheveu en bataille et le regard perdu.
Schmilsson est le nouveau sobriquet officiel du garçon, dont la tenue vestimentaire de plus en plus négligée lui donne l’air de sortir du pub d’à côté.
On trouve dans l’album Nilsson Schmilsson quelques-unes de ses compositions les plus fameuses, dans un style rock’n’ roll plutôt déboutonné et très éloigné du raffinement formel des débuts. En particulier « Gotta Get Up », le furieux « Jump Into The Fire » et l’invraisemblable « Coconut », dont l’humour absurde et nonchalant reflète l’évolution singulière d’un chanteur qui se prend de moins en moins au sérieux à mesure que vient le succès.
Sources : www.rollingstone.fr – www.superseventies.com – www.telerama.fr – www.discogs.com
###
CREDITS :
Enregistré en janvier-juin 1971 aux Trident Studios, London; RCA Studios, Hollywood, CA; Island Studios, London – RCA Records
- Harry Nilsson – vocals; piano on 1, 5, 8, 10; Mellotron on 2, 4; organ on 3; harmonica on 8; electric piano on 9
- Jim Gordon – drums on 1, 2, 5, 7, 9; percussion on 7, 9
- Klaus Voormann – bass on 1, 5, 6, 8; rhythm guitar on 2, 9; acoustic guitar on 4
- Chris Spedding – guitar on 1, 5, 9
- Herbie Flowers – bass on 2, 4, 7, 9
- John Uribe – acoustic guitar on 2, 4, 6; lead guitar on 2, 9
- Henry Krein – accordion on 1
- Richard Perry – percussion on 1, Mellotron on 2
- Jim Price – trumpet on 1, 5; trombone on 1, 5; horn arrangements on 1, 5
- Jim Keltner – drums on 5, 6
- Roger Coulam – organ on 5
- Bobby Keys – saxophone on 5
- Gary Wright – piano on 6, organ on 8
- Paul Buckmaster – string and horn arrangements on 6
- Roger Pope – drums on 7
- Caleb Quaye – guitar on 7
- Ian Duck – acoustic guitar on 7
- Jim Webb – piano on 9
- George Tipton – string and horn arrangements on 10
- Richie Schmitt – engineer