Western-opéra s’étirant sur près de trois heures, le film de Sergio Leone, Il était une fois dans l’Ouest doit son succès autant à sa musique qu’à son image. Articulée autour des protagonistes du film, la bande sonore signée Ennio Morricone est, au travers de 13 titres, le plus bel hommage musical qui puisse être rendu au Western. Lyrisme, violence et romantisme sont finement liés dans une interprétation de haute tenue par les fidèles musiciens du Maestro.
Pour son troisième et ultime volet de la « trilogie des dollars », Sergio Leone s’est de nouveau adjoint les services d’Ennio Morricone. Comme pour leurs précédentes collaborations, Morricone et Leone travaillent d’une façon bien particulière à savoir la musique avant le tournage. Leone fait composer la musique avant de faire le film.
il était une fois dans l’ouest musique
On se connaît depuis longtemps. Je n’aime pas du tout me répéter et expliquer les choses plusieurs fois, et avec Ennio c’est très facile, en un regard nous nous comprenons tout de suite. Il y a le succès que nous avons eu ensemble, l’estime que nous avons l’un pour l’autre. Il est capable de réécrire un morceau de musique quatre ou cinq fois si je ne l’aime pas du tout. […] C’est plus qu’un compositeur pour moi. Je n’aime pas du tout les mots dans les films, j’espère toujours faire un film muet, et la musique se substitue aux mots, alors on peut dire que Morricone est l’un de mes meilleurs scénaristes.
Sergio Leone
S’appuyant sur la musique d’Ennio, Leone en vient parfois à réécrire certaines scènes. C’est le cas de la longue séquence d’ouverture où l’homme à l’harmonica (Charles Bronson) est attendu par ceux qui veulent l’éliminer et pour laquelle Leone modifie ses plans et renonce à la musique composée par Morricone.
Quand j’ai placé les bruits, sans musique, la goutte, les moulins à vent, le vent, la mouche, le train qui arrivait, il y avait toute une ambiance fantastique qui était déjà un grand morceau de musique. Et quand j’ai terminé avec mon mixeur les deux bobines, j’ai dit que je n’allais pas placer la musique, mais laisser comme ça, car je trouvais ça tellement plus enthousiasmant ces bruits. Finalement, après la fin du mixage, on a tout visionné, et Ennio, qui cette fois était là, regarde les deux premières bobines sans sa musique. Il était habitué à ce que je fasse ce que je voulais, mais tout à coup il se lève, vient à côté de moi, et me dit : “Je peux te dire une chose Sergio ? C’est la meilleure musique que j’ai composée dans ma vie ».
Sergio Leone
Jouant à la fois sur les codes musicaux des westerns qu’il a lui-même instauré dans ses partitions précédentes (notamment l’utilisation de timbres typés), Morricone dépasse le simple cadre des cow-boys et duels au revolver en offrant un véritable souffle émotionnel porté par une sensibilité exacerbée.
J’ai bénéficié d’emblée d’une liberté exceptionnelle. J’ai pu expérimenter avec tous les sons imaginables. Dans Pour une poignée de dollars, je me suis servi de fouets et de marteaux pour évoquer la nostalgie de la campagne chez l’homme des villes. Et le thème fameux du film Le Bon, la Brute et le Truand m’a été inspiré par le cri du coyote. Pour Sergio Leone, j’ai beaucoup travaillé avec des instruments siciliens qui n’ont rien à voir avec l’univers du western. Toutes ces tentatives m’ont permis de m’affranchir des canons de la musique de cinéma. Et d’inventer mon style. On dit de moi que j’écris toujours la même musique, c’est vrai. Je le vois comme une marque de personnalité.
Ennio Morricone
L’emploi délibéré de leitmotivs identifiables pour chacun des personnages principaux (le thème commun pour Harmonica / Frank, unis dans la vengeance, celui de Jill interprété par la voix d’Edda dell’Orso, et celui de Cheyenne) fait de la musique un protagoniste à part entière.
A partir de trois simples notes (Mi, Do, Ré #), Morricone développe l’un des thèmes les plus connus de l’histoire du cinéma, L’uomo dell’armonica, joué d’abord à la guitare électrique par Bruno Battisti d’Amario, puis repris par les chœurs, les cordes de l’orchestre.
Le thème pour harmonica, symbole de vengeance et de mort, est évidemment la plus fameuse illustration du film. Les trois notes ahanées par le musicien Franco de Gemini sont devenues mythiques dans l’histoire du cinéma et sont déclinées ici selon la souffrance ou la vengeance que s’apprête à accomplir («As a Judgement» et «Man with a Harmonica») le personnage interprété par Bronson, le tout renforcé par des cuivres soulignant la tragédie de la situation.
Le thème principal du film, associé à l’unique personnage féminin, Jill-Claudia Cardinale («Once upon a time in the West», «Jill’s America», «Finale») apporte un sentiment de lyrisme pour lequel l’intervention de la soliste Edda Dell’Orso (interprète fétiche du compositeur) est tout bonnement bouleversante et apporte une dimension nostalgique au vieil Ouest américain.
Leone, qui a demandé à Morricone de composer les thèmes musicaux des six personnages principaux n’en a que cinq. Il manque le thème le plus difficile, celui du personnage le plus ambigu, celui de Cheyenne interprété par Jason Robards. Sergio Leone se creuse la tête. La question l’angoisse pendant presque un an :
J’avais le thème général, celui de Jill, celui de l’homme à l’harmonica, et celui de Fonda [Henry Fonda jouait Frank]… il manquait justement le thème le plus difficile à composer parce que le personnage était ambigu, parce que c’était un bandit sans scrupules, avec beaucoup de romantisme…
Sergio Leone
Le thème de Cheyenne sera finalement illustré au banjo («Farewell to Cheyenne») par Bruno Battisti d’Amario qui amène une certaine légèreté, impression renforcée par l’interprétation du siffleur vedette de Morricone, Alessandro Alessandroni.
On arrive au jour de l’enregistrement, avec soixante-dix musiciens d’orchestre, et Morricone commence à mettre en place ce morceau. Et il voit derrière la vitre mon visage qui n’était pas content du tout. Il me dit : “Ça ne marche pas”. Je lui dis : “Non. C’est vrai que tu as ajouté l’instrumentation, mais ce n’est pas ce que je voulais.” Il me dit : “Je ne sais plus ce que je dois faire, j’ai composé six thèmes que je pensais avoir arrangés à la perfection. Dis-moi, explique-moi encore ce qu’est ton personnage.” Avec Ennio, il faut parler avec des adjectifs, et des comparaisons. Je lui demande : « Tu as vu le film de Walt Disney, ‘La Belle et le clochard’ ? Bien, pour moi, Cheyenne c’est le clochard. C’est un voleur, un romantique, un malin, pas fiable, mais en même temps, il sait ce qu’est l’amour. » Et pendant que je m’exprimais ainsi, il se souvenait du petit chien qu’il avait vu à l’époque, et il a commencé à chantonner le thème…
Sergio Leone
Enfin, c’est la cruauté du personnage d’Henry Fonda, Frank, qui est amenée par des percussions et des effets sonores («The Transgression», «The Man», «Death Rattle») mais surtout par les guitares électriques («As a Judgement») qui amènent une dimension anachronique apocalyptique.
Les autres titres de l’album achèvent de planter le décor avec brio («The first Tavern», «The Second Tavern») selon que l’ambiance est étouffante, violente, parfois gaie — «Bad orchestra» offre comme son nom l’indique, une orchestration caricaturale avec piano bastringue — ou légère avec une variante pour violoncelle et vibraphone du thème principal dans «A Dimly Lit Room».
A LIRE : B.O. de Il était une fois en Amérique, un des scores les plus ambitieux d’Ennio Morricone
Plus que n’importe quel autre compositeur, Ennio Morricone est le musicien qui a le mieux su retranscrire toute la dimension humaine, sauvage et spirituelle des westerns italiens, apportant au chef-d’œuvre de Sergio Leone une émotion incomparable.
Inspirée de bout en bout, la musique de C’era une volta il West rend un hommage vibrant à l’Ouest américain sauvage idéalisé et « rêvé » à travers la caméra de Sergio Leone.
Sources : www.letemps.ch – www.cinechronicle.com – www.ouest-france.fr – www.franceculture.fr – www.francetvinfo.fr – www.qobuz.com
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CREDITS :
Enregistré en 1969 – RCA Records
- 1 et 13 : avec la voix d’Edda Dell’Orso
- 1, 2, 7, 11, 13 : avec I Cantori Moderni d’Alessandroni
- 3 : Siffleur soliste Alessandro Alessandroni
- 7 et 12 : Harmonica joué par Franco de Gemini
- Composed By, Orchestrated By, Conductor – Ennio Morricone
- Coordinator [Digital Series Coordinator] – Don Wardell
- Engineer [Digital Engineer] – Dick Baxter
- Producer [Digital Producer] – Chick Crumpacker
Bonjour.
Est-ce vrai que le théme du film,ce n’est pas une voix de femme que l’on entend mais,c’est un unstrument particulier dont j’ai oublié le nom.
Merci.
Le morceau en question est joué sur un thérémine par Katica Illenyi.
Réponse a Luce Duacasse:
Vous faites sans doute allusion au Theremin mais si vous réalisez bien l’article il est précisé plusieurs fois qu’il s’agit de la voix d’Edda Dell’Orso
Ce theremine n’est pas répertorié au générique pas davantage que le nom de l’interprète…donc…j’opte pour la version Voix de soprano