Janko Nilovic fait partie de ces artistes de l’ombre au même titre qu’un J-C Vannier ou Alain Goraguer. Touche-à-tout, auteur de B.O., Nilovic a surtout marqué l’illustration sonore grâce à sa collaboration avec les éditions Montparnasse 2000 où il impose un style entre psychédélisme et soul-funk. « Rythmes Contemporains », enregistré en 1972 avec une quarantaine de musiciens composant la crème des orchestres de studio de l’époque, demeure une pièce maîtresse de l’œuvre du compositeur.
Janko Nilovic, c’est l’histoire d’un compositeur Monténégrin né à Istanbul en 1941 et arrivé en France dans les années 1960. Un musicien qui a d’abord joué dans les bals, arrangé les chansons de Michel Jonasz ou de Gérard Lenorman avant de signer avec le label Montparnasse 2000 nouvellement crée. On est en 1968. Spécialisé dans les musiques d’illustrations pour la radio et la télé., Montparnasse 2000 cherche des artistes pour se constituer un catalogue.
Janko Nilovic Rythmes Contemporains
Ainsi, pour le label, Janko Nilovic va composer des dizaines de musiques « utilitaires » ou library music. Des musiques comme du papier–peint, des fonds sonores dans lesquels radios et télés piochent pour accompagner documentaire, pubs télé (les artichauts bretons, la Sécurité routière ou After Eight c’est lui).
On pourrait penser qu’il s’agit d’un boulot ingrat pour un compositeur, mais Janko Nilovic s’en sert comme terrain de jeu pour laisser libre court à son amour de toutes les musiques et du jazz en particulier, sans se soucier de savoir comment ses musiques seront exploitées.
j’ai écrit de la library music pour mon plaisir. Les autres enregistraient ce que l’on appelle de la “musique au kilomètre”. J’ai un peu révolutionné le style en faisant des choses très différentes d’un disque à l’autre.
Janko Nilovic
Les titres des morceaux pouvaient donner des pistes. Des titres comme « Samba Amigo » ou « Mister Woua Woua « . A chaque fois, la contrainte est d’installer une ambiance dès les premières secondes. Des musiques qui font venir tout de suite des visions et des décors en tête.
En 1969, le musicien compose l’album «Psyc Impressions» à la manière des impressionnistes par petites touches, puisant dans ses multiples influences (pop, psyché, jazz, folklore)… Avec une totale liberté laissant foisonner sa créativité.
Je suis balkanique d’origine. Père yougoslave ; mère grecque ; moi-même, né en Turquie. Cela représente déjà trois pays des Balkans. J’ai très bien connu la musique grecque, très bien la musique mosaïque yougoslave, qui change du sud au nord, et la Turquie avec ses rythmes incroyables dont tous les jazzmen se sont inspirés.
Janko Nilovic
En 1972, Janko Nilovic alors dans sa période la plus créative, entame l’enregistrement d’un des disques les plus ambitieux et les plus coûteux de l’illustration sonore des années 70, le mythique «Rythmes Contemporains».
Le label Montparnasse 2000, qui lui fait entièrement confiance, lui donne les moyens de ses ambitions et lui permet de constituer un gigantesque big band de 45 musiciens, parmi lesquels on retrouve le batteur surdoué André Ceccarelli, le percussionniste Jean Schultheis et Catherine Lara au 1er violon. Tout est donc réuni pour faire de ces sessions d’enregistrement un moment d’exception placé sous le signe de la grâce.
Au départ, il ne s’agissait pas d’un disque de library. J’ai écrit les premiers morceaux fin 1969, début 1970. Ce projet de big band me tenait à coeur depuis longtemps et à cette époque, suite au succès de Psyc’ Impressions, j’avais enfin le temps et les moyens de le mettre en place. J’ai commencé le projet à mon compte puis je l’ai proposé à Montparnasse 2000 pour qu’il me fournisse le soutien financier nécéssaire aux paiements des musiciens et du studio. André Farry (le grand patron de Montparnasse 2000, ancien propriétaire de restaurants et de cabarets sur Paris, qui se lancera dans l’industrie discographique plus pour l’aventure financière que par goût véritable pour la musique) était un peu réticent au début, pensant qu’un disque de jazz ne marcherait pas, et heureusement la suite lui a donné tort. Le disque a rapporté beaucoup d’argent et m’a vraiment permis d’avoir une liberté totale pour les disques suivants sur Montparnasse 2000.
Janko Nilovic
Le résultat dépasse largement toutes les espérances et les 6 morceaux gravés au cœur de ce vinyle rare font résonner une musique d’une puissance et d’une cohérence incroyable. Un tourbillon de notes et de rythmes épiques qui s’emballe, se calme et se réactive selon les directives d’un Nilovic qui donne véritablement tout ce qu’il a dans les tripes.
Entre jazz baroque, pop symphonique et funk mutant, « Rythmes Contemporains » semble vouloir dicter ses propres règles au mépris des conventions, rejoignant les visions fusionnelles d’un David Axelrod ou d’un Lalo Schifrin.
À la manière d’un éclaté magnifique et d’un patchwork visionnaire, Nilovic assemble solidement les pulsions de ses 45 musiciens et embrasse totalement l’énergie de son époque, ambition première de l’album.
Cette œuvre complexe et protéiforme brille d’un éclat singulier dans la riche discographie du compositeur yougoslave, et, de l’avis de ses nombreux fans à travers le monde, constitue un de ses travaux les plus accomplis.
Sorti d’abord comme un album sous le titre Giant, il sera réédité par le label Vadim music en 2010 et renommé sous le titre actuel pour devenir une Illustration sonore de légende. La réédition est agrémentée d’un titre supplémentaire, « Underground Session », samplé depuis par Dr Dre pour son album Compton sur le titre « Loose Cannons » feat. Xzibit, Cold 187um et Sly Pyper !
Chouchou des beatmakers US qui samplent à tour de bras son catalogue de musique d’illustration des 60s-70s, on retrouve ses titres sur « D.O.A » de Jay Z, « Want in Life » de Kendrick Lamar (2018), « Contact » des Beatnuts (2001), « Jaws » d’Action Bronson (2022), « Keep It Politics » de Raekwon (2012), « Rockabye Baby » de Joey Bada$$ feat. ScHoolboy Q (2017), « All I Want » de Dafuniks feat. Elias (2009).
Sources : https://larrangeurdesarrangeurs.wordpress.com – http://scopia.perso.neuf.fr – www.ultramagnetique.com – www.jazzmusicarchives.com – www.cultura.com – www.discogs.com – www.edrmartin.com – www.radiofrance.fr – www.liberation.fr – www.modulor.tv – https://flagrantsoul.com – www.jankonilovic.com – https://bigwax.io – www.underdogrecords.fr
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CREDITS :
Enregistré en 1972 au studio des Dames – Paris – Montparnasse 2000 records
- Arranged By [Arrangements], Directed By [Direction] – Janko Nilovic
- Bass Guitar [Guitare-Basse] – Antonio Rubio*
- Bass Trombone [Trombones (Basse)] – Gérard Massot, Maurice Cevrero
- Cello [Quatuor A Cordes] – Roland Pidoux
- Choir [Chœurs] – Giant (21)
- Cover [Maquette D’Après] – Mick Michel*
- Drums [Batterie] – André Ceccarelli
- Engineer [Ingénieur Du Son, Studios Barclay] – C. Rochko*
- Engineer [Ingénieur Du Son, Studios Des Dames] – J. C. Charvier*
- Flute [Flûtes], Saxophone [Saxes], Clarinet [Clarinettes] – Alain Hatot, Franck Torre*, J.-Louis Chautemps*, J. Calmette*, Pierre Holassian
- Guitar [Guitares] – Gérard Kawzenski*, Jacky Giraudo, Jean-Pierre Alarcen, José Souk*
- Liner Notes – J. P. Rossillon
- Organ [Orgue], Piano – Graziella*
- Percussion [Percussions] – Emile Serre*, Jean Schultheis, Michel Zalonghi*
- Photography By [Photos] – Alain Heisse
- Producer [Réalisation] – G. Szakolczay*, J. P. Rossillon
- Trombone [Trombones (Ténor)] – Daniel Bruley, Jacques Bolognesi, Pierre Goasguen
- Trumpet [Trompettes] – Freddy Hovsepian, Michel Barrot, Michel Poli, Pierre Gauthier (4), Tony Brenes, Tony Russo
- Viola [Quatuor A Cordes, Alto] – Pierre Llinares
- Violin [Quatuor A Cordes, 1er Violon] – Catherine Bodet
- Violin [Quatuor A Cordes, 2eme Violon] – Mireille Pidoux
- Woodwind [Cors] – J. J. Justafré*, Yves Valada