Sorti en 1993, le 1er projet solo du leader des légendaires gangstarr, ‘Jazzmatazz Vol.1’ annonce une série d’albums concept qui vont impacter durablement le Hip-Hop. En faisant appel à de grands noms du jazz tels que Donald Byrd, Roy Ayers ou encore Lonnie Liston Smith et Brandford Marsalis, Guru rend un hommage appuyé au jazz et démontre l’importance du rap à une époque ou ce dernier est encore regardé de haut.
En 1990, une sorte de remake de Jazz Music figure dans la BO de Mo’ Better Blues, le film-jazz de Spike Lee. Avec Kenny Kirkland au piano et Robert Hurst à la contrebasse, Jazz Thing, truffé de samples malins (Thelonious Monk, Louis Armstrong…) reste aujourd’hui une bel hommage au jazz réalisés par un MC et un DJ. Dès lors, un nouveau courant est lancé. Guru se sépare un temps de DJ Premier pour se lancer dans le projet Jazzmatazz, en pleine vague acid jazz. « Jazz is real, and based on reality », disait-il. Et d’inviter sur le Volume I Donald Byrd (dans Loungin’) et Roy Ayers (dans Take A Look At Yourself), deux des jazzmen les plus appréciés – et samplés… – dans le monde du hip-hop.
Guru – Jazzmatazz vol. I
Si l’empreint au jazz par des rappeurs n’est pas nouveau – Kool Herc, Grandmaster Flash et Afrika Bambaataa ont incorporé des disques de Roy Ayers et Bob James dans leurs sets. Des titres, comme « Nautilus » et « Take Me To the Mardi Gras » de Bob James. Le premier single de Gang Starr, « Words I Manifest », sample « A Night in Tunisia » de Charlie Parker – la participation de grands noms du Jazz, elle l’est.
J’ai monté mon propre projet car je ne voulais pas que Gangstarr porte cette étiquette « jazz-rap », même si nous étions les précurseurs de cette tendance. Avant nous, tout le monde samplait James Brown. Des DJ comme Premier, Pete Rock, Eazy Mo Bee ont changé la donne en samplant du jazz, juste pour faire des bons disques de hip-hop originaux.
Guru
Sorti en 1993, Jazzmatazz, premier album solo de Gang Starr’s Guru, est une extension logique de cette symbiose musicale. Pour cela, Guru fait appel à un groupe de poids lourds du jazz – Ramsey Lewis, Donald Byrd et Roy Ayers – pour y développer les graines semées par A Tribe Called Quest et Ron Carter sur The Low End Theory deux ans plus tôt.
Ma principale préoccupation est de maintenir ma crédibilité auprès du public rap hardcore. C’est grâce à lui que je suis arrivé là où je suis.
Guru
Tout au long du processus d’enregistrement, Guru suit la même formule. D’abord les pistes rythmiques (beats et lignes de basse) puis le concept et le titre des morceaux. Ensuite, l’interprète de jazz pour les solos. Enfin, Guru pose sa voix sur l’instrumentale.
« Loungin », le titre d’ouverture et premier single de l’album, offre une tribune de choix au légendaire Donald Byrd (trompette/piano). Avec sa voix rocailleuse et son élocution dénuée de la moindre inflexion, Guru rappelle à l’auditeur ses compétences et celles de Byrd, le tout agrémenté de samples de Miles Davis parlant de la puissance du jazz.
Peace yo, and welcome to Jazzmatazz: an experimental fusion of Hip Hop and live jazz. I’m your host the Guru. That stands for gifted, unlimited, rhymes, universal. Now I’ve always thought of doing something like this, but I didn’t want to do it unless it was going to be done right, know what I’m saying? Cause Hip Hop, rap music, is real. It’s musical, cultural expression based on reality. And at the same time, jazz is real and based on reality. So I want to let you know that it was indeed and of course and pleasure to work on such a project with so many amazing people. For instance I got Donald Byrd, Roy Ayers, Lonnie Liston Smith, Branford Marsalis, Ronny Jordan, N’Dea Davenport, Courtney Pine and MC Solaar all in the house. Plus I got Gary Barnacle, Carleen Anderson, D. C. Lee, Simon Law and Zachary Breaux doing much work. So without further delay, I say to you, listen and enjoy.
Intro de Guru sur « Loungin »
D’autres sommités du jazz excellent tout au long de l’album. Branford Marsalis au saxo alto et soprano sur « Transit Ride », servant de co-pilote à Guru pour guider l’auditeur à travers le métro New-Yorkais. Cela devient même un thème central du Jazzmatazz, alors que des chansons comme « Down the Backstreets » (avec Lonnie Liston Smith au piano et au clavier) et « Sights of the City » (avec Courtney Pine au saxophone et à la flûte) permettent à Guru d’offrir des descriptions simples et puissantes de la réalité des rues de Brooklyn ou Harlem.
Pour Lonnie Liston Smith, le projet Jazzmatazz représente un lien historique fort entre Guru et son enfance. Il l’a déjà évoqué avec l’ancien publiciste de Def Jam, Bill Adler, dans les notes originales de l’album : Le père et le grand-père du rappeur originaire du Massachusetts l’asseyaient avec ses amis devant la chaîne stéréo familiale et leur faisaient écouter du jazz.
A cette époque, quand les disquaires existaient encore, vous pouviez aller dans un endroit comme Tower Records n’importe où dans le monde, aller dans leur section jazz et trouver des disques que vous ne connaissiez même pas. On voyait les rappeurs acheter plus de jazz que nous. Et quand on leur parlait, ils nous racontaient comment, enfant, leur parents, leurs oncles, leurs frères et sœurs, leur faisaient découvrir le jazz. Guru connaissait tous mes albums ; son préféré était Expansions.
Lonnie Liston Smith
Le vibraphoniste Roy Ayers fournit une toile de fond mélodique sur « Take a Look at Yourself », alors que Guru sermonne les aigris, les mécontents, de ne pas suffisamment profiter des opportunités qu’ils ont dans la vie.
Sur « No Time to Play », un des titres emblématiques de l’album, Guru parle de sa détermination à rester motivé et profiter de la journée, tandis que le guitariste Ronny Jordan donne des coups de becs chatoyants. DC Lee prête sa voix au refrain de la chanson, épaulé par la cohorte Big Shug de la Gang Starr Foundation.
Guru ne se contente pas de présenter des jazzmen. Dans un autre registre, des artistes comme N’Dea Davenport, chanteuse du groupe d’acid Jazz The Brand New Heavies, figure sur plusieurs titres. Elle prend la tête de « When You’re Near », une ode à la quête de l’amour, alors que « Trust Me » lui permet d’élargir son répertoire.
Pour le troisième single de l’album, « Le Bien, Le Mal », plus proche d’un titre rap de Gang Starr, Guru fait appel au rappeur français MC Solaar. Solaar y proclame sa domination lyrique et son mépris pour ceux qui nient le respect du rap intelligent.
Le titre est renforcé par les scratches du DJ Jimmy Jay et les voix du collectif français Democrates D. Le titre fera d’ailleurs des émules et ouvrira la voix à d’autres collaborations franco-américaines plus ou moins réussies (IAM et le WU-Tang, ou les Sunz of Man, NTM et NAS et AZ, ou, plus récemment, Gradur et Chief Keef).
Pour le mastering, c’est l’excellent Tony Dawsey qui s’en charge. Il a déjà bossé avec Jay-Z, DMX, et même Akon par la suite.
Jazzmatazz va devenir pour Guru un projet parallèle a par entière tout au long des années 90 et 2000. Il sortira les deuxième et troisième volumes pendant les intermèdes entre les projets Gang Starr, et sortira un quatrième opus en 2007 après avoir quitté le groupe.
Sources : www.albumism.com – https://jazztimes.com – https://hiphopcorner.fr – https://hiphop4life.fr – www.liberation.fr – https://downbeat.com
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CREDITS :
Enregistré en 1992-93 au D&D Studios, New York & EMI Music Studios, London – Chrysalis records
- 1/ intro
- 2/ Loungin’ – Piano, Co-producer, Trumpet [All], Featuring – Donald Byrd
- 3/ When You’re Near – Keyboards – Simon Law – Lead Vocals, Co-producer, Written-By [Co], Featuring – N’Dea Davenport
- 4/ Transit Ride – Alto Saxophone, Soprano Saxophone, Co-producer, Featuring – Branford Marsalis – Guitar – Zachary Breaux Scratches – DJ Jazzy Nice
- 5/ No Time To Play – Co-producer, Guitar [All], Featuring – Ronny Jordan – Vocals – DC Lee* – Vocals [Additional] – Big Shug
- 6/ Down The Backstreets – Drums [Live] – Lil’ Dap – Electric Piano, Piano [Acoustic Piano], Co-producer, Featuring – Lonnie Liston Smith
- 7/ Respectful Dedications
- 8/ Take A Look (At Yourself) – Co-producer, Vibraphone [Vibes], Featuring – Roy Ayers
- 9/ Trust Me – Lead Vocals, Co-producer, Written-By [Co], Featuring – N’Dea Davenport
- 10/ Slicker Than Most – Saxophone, Flute – Gary Barnacle – Vocals [Additional] – The Cutthroats
- 11/ Le Bien, Le Mal – Lead Vocals, Co-producer, Featuring – MC Solaar / Scratches – DJ Jimmy Jay* – Vocals [Additional] – Black Jack, Mickey « Mus Mus »*
- 12/ Sights In The City – Alto Saxophone, Soprano Saxophone, Flute, Co-producer, Written-By [Co], Featuring – Courtney Pine – Keyboards – Simon Law – Vocals, Co-producer, Featuring – Carleen Anderson
- Art Direction – Henry Marquez
- Design – Diane Cuddy
- Engineer [Engineered In London] – James Bell*
- Engineer [Engineered In Los Angeles] – James B. Mansfield*
- Engineer [Engineered In New York] – Craig Marcus, Joe Quinde, Kieran Walsh
- Engineer [Engineered In Paris] – Zdar Cerbonschi*
- Engineer [London, Assistant] – Tracii D. Sherman
- Engineer [Los Angeles, Assistant] – Doug Boehm
- Engineer [New York, Assistant] – David Carpenter, Luke Allen
- Executive-Producer – Duff Marlowe
- Executive-Producer, Concept By [Concept Development] – Keith Elam, Patrick Moxey
- Management – Empire Artist Management
- Mastered By – Tony Dawsey
- Other [Styling] – Navia Nguyen
- Producer, Arranged By, Mixed By, Lyrics By, Music By [Tracks] – Guru