Dans les années 90, Johnny Cash est devenu un symbole, une légende, une icône, quelque chose comme la conscience de la chanson populaire américaine. Il a, au fil des années, incarné l’individualisme des pionniers, le romantisme du rebelle, et la rédemption après l’épreuve (en l’occurrence, sa dépendance aux drogues). Le problème reste que plus personne ne s’intéresse alors à ses nouveaux enregistrements.
En 1993, après une longue traversée du désert, marquée par son combat contre la drogue et l’abandon artistique de sa maison de disques, une rencontre improbable va déclencher le retour en grâce de Johnny Cash. Rick Rubin, jeune producteur, apparu depuis peu aux côtés de pointures du rock, décide de prendre sous son aile cet homme qui pourrait être son père et organise le retour du Man in Black : Johnny Cash American Recordings.
Johnny Cash American Recordings
Rick Rubin, par ailleurs producteur des Beastie Boys (donc, dans le contexte, venu de la planète Mars) a l’idée de la décennie, celle d’enfermer Cash dans une pièce, seul avec sa guitare et quelques partitions, et de jeter la clé.
Quand Johnny signe avec le label de Rubin, American Recordings, les deux hommes ont instinctivement compris qu’une vaste sélection de chansons mériterait certainement leur attention.
Durant l’été et le début de l’hiver 1993, Johnny et Rick passent de nombreuses heures dans la Cedar Hill Refuge Recording Cabin (le studio de Johnny, situé au milieu du paysage sauvage de Hendersonville) et dans le salon de l’appartement de Rubin à Los Angeles.
Johnny connait bien certaines chansons, dont les plus récentes ont été écrites par Leonard Cohen, Tom Waits et Kris Kristofferson, ainsi qu’une chanson, un choix peut-être un peu moins évident, de la main du musicien issu du heavy rock, Glenn Danzig.
Johnny marmonne, déchiffre quelques mélodies signées Tom Waits, Leonard Cohen (« Bird On A Wire ») ou du roi hardcore Glen Danzig, suce son crayon pour écrire une magnifique ode à la mémoire des vétérans du Vietnam (« Drive On »), se souvient de sa jeunesse (« Like A Soldier »).
En tout, ils enregistrent près de cent vingt chansons, bien au-delà de la petite trentaine de chansons que Johnny a l’habitude de créer.
L’album est exactement tel que Johnny l’a envisagé, c’est-à-dire une collection de chansons anciennes et récentes, avec pour unique accompagnement Johnny jouant de sa propre guitare. Le résultat est très dépouillé, en témoigne le fait qu’il n’a même pas utilisé de médiator.
Bien que l’album contienne un ou deux passages relativement légers, il ne s’agit pas vraiment de musique légère ; en fait, le contraste avec une très grande partie de cette pop/country frivole en provenance de Nashville est assez significatif.
C’est une collection sombre et menaçante, terriblement austère et extrêmement imposante, comme s’il sondait l’âme d’une autre personne, regardant fixement et avec fascination ses cicatrices de guerre, tendant l’oreille, pour ainsi dire, afin d’avoir un aperçu de ses confessions et de ses prières intimes, ainsi que celles destinées à son créateur.
Le duo concoctera ainsi une série de six albums (dont les deux derniers seront posthumes) de reprises, où Cash revisite de manière inattendue des chansons de Soundgarden, Nick Cave, Leonard Cohen, ou U2.
En 1994, Cash réalise son ancien rêve d’enregistrer My Mother’s Hymn Book, choix de chants traditionnels de musique gospel.
Cash dira à propos de American Recordings,
Je pense que je suis plus fier de ceci que de n’importe quelle autre chose que j’ai jamais réalisée dans ma vie. Ça me représente tout à fait. Tout ce que j’ai à offrir en tant qu’artiste se trouve là.
Johnny Cash
Rick Rubin a donné son propre avis sur ce qui a contribué à la qualité de l’album : « Il essaye de faire un disque moins produit et plus personnel, avec un son plus dépouillé. L’éloignement métaphorique de Cash de Nashville le rapproche tellement des foules en Doc Marteen’s. Il est la quintessence du rock’n’roll, en fait. L’outsider.
Source : https://pitchfork.com – www.allmusic.com – https://en.wikipedia.org
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CREDITS :
Enregistré entre le 17 mai et le 7 décembre 1993 – Johnny Cash’s cabin, The Viper Room – American Recordings
- Rick Rubin – producer
- Johnny Cash – acoustic guitar, vocals, main performer, liner notes
- Jim Scott – mixing
- David Ferguson – sound recordist
- Stephen Marcussen – mastering
- Christine Cano – design