De Los Angeles, on connaît surtout les quartiers huppés de Beverly Hills, le plus hippy et touristique Venice Beach, le fashion Santa Monica et le résidentiel Malibu. Mais un quartier plus reculé et plus boisé, Laurel Canyon, en arrière de tout ça, a été dans les années 1960 le siège d’un véritable mouvement musical.
Cela commence par une jolie maison sur Lookout Mountain, au cœur de Laurel Canyon, qui accueille Joni Mitchell, chanteuse et peintre canadienne. Elle invite un ami, Graham Nash, un Anglais qui vient de quitter son groupe, les Hollies.
« Ce n’était pas le Paris des années 20, mais c’était une scène vibrante », explique Stephen Stills. « Il y avait quelque chose dans l’air », renchérit Glenn Frey. « Des maisons construites sur une colline, des palmiers et des yuccas et des eucalyptus et une végétation que je n’avais jamais vue auparavant… C’était un canyon magique. »
Les maisons de Joni Mitchell et Cass Elliot étaient les plus prisées. Cette dernière avait même été surnommé « la Gertrude Stein de Laurel Canyon » par Graham Nash, comparant son « salon » à celui du 27 rue de Fleurus à Paris. Musiciens et gens du cinéma se rencontraient là-bas, de grands débats émanaient, et, surtout, la porte était toujours ouverte. « On pouvait s’y rendre quand on voulait », raconte Stephen Stills. « Il fallait juste appeler avant ». Pour faire un brin de ménage avant ? Pas du tout : Michelle Phillips, ancienne membre des Mamas and the Papas, se souvient que c’était « le plus gros bordel qu’[elle a] vu de [sa] vie. Elle ne nettoyait jamais, ne rangeait jamais, ne faisait pas la vaisselle ni son lit ».
Viennent traîner dans le coin Stephen Stills et David Crosby, puis, au fur et à mesure des mois, les agents immobiliers du quartier sont assaillis de demandes de clients célèbres, ou appelés à le devenir, tels The Mamas & the Papas.
Mais aussi Frank Zappa, Brian Wilson des Beach Boys, Jim Morrison des Doors, Carole King, John Mayall (un autre Anglais, qui nommera un de ses albums «Blues From Laurel Canyon»).
The Byrds, Crosby Stills Nash & Young, Buffalo Springfield, The Eagles, quelques autres sont des groupes de Laurel Canyon, tout ce petit monde se mélange dans des soirées qu’on imagine exaltantes, mais qu’on sait aussi profondément narcotiques tant les substances de toutes sortes y circulent dès l’apéritif, par pleins saladiers.
De quoi dissoudre dans la poudre l’esprit du lieu, qui, effectivement, n’y survécut pas.