Activiste et artisan majeur de la scène reggae londonienne à la fin des années 1970, Linton Kwesi Johnson est un poète dub hors pair. Révélé par Forces of Victory en 1979, il va plus loin que l’habituel discours inspiré du rastafarisme. Ses références sont sociales, intellectuelles. Accompagné du producteur Dennis Bovell et le Dub Band, Johnson se livre à de formidables imprécations, à la croisée du dub, du reggae et du spoken word, comme si Gil Scott-Heron avait vécu en Jamaïque.
Forces of Victory est à part dans la production reggae. Comme l’ensemble de l’œuvre de Linton Kwesi Johnson, plus axée sur les textes et l’écriture que sur la musique. Ici riddim, skank et autres trames musicales sont mises au service des textes et de leur signification.
Linton Kwesi Johnson Forces Of Victory
The Dub Band, emmené par le multi-instrumentiste et producteur Dennis Bovell, n’est pas des plus inventifs ni des plus brillants. Linton Kwesi Johnson, n’est d’ailleurs pas un chanteur, c’est un poète urbain, il déclame, il pose ses textes sur la musique.
Dès le premier morceau, le ton est donné. «Want Fi Goh Rave» est un titre grandiose dont les paroles en créole jamaïcain anéantissent les philistins.
Piste 3, on découvre «Sonny’s Lettah». Un titre d’une violence insolente. Un aîné raconte à sa mère l’assassinat de son plus Jeune fils par la police. Composé sous forme de lettre, le titre dénonce les affres de l’emprisonnement. Un récit ultra réaliste qui trouve son efficacité dans l’alchimie parfaite entre les mots, la mise en musique mais aussi la diction du dub poète Linton Kwesi Johnson.
Sous-titré « Anti-Sus Poem » en référence à la « sus law », une loi informelle permettant aux policiers britanniques d’arrêter n’importe qui sur une simple suspicion, le texte condamne avec habileté cette mesure inique dont l’application peut dégénérer de façon dramatique.
Les arrangements, la basse et la batterie grondent tout au long de cet opus mémorable aux accents souvent sombres et dramatiques, à l’image de cette pochette noire et menaçante, qu’annonçait déjà l’album précédent, Dread Beat An’ Blood, paru sous le nom de Poet and The Roots.
« Want Fi Goh Rave », « Fite Dem Back » ou « Forces of Victory » sont écrits en créole jamaïcains. A travers ces textes revendicatifs, c’est toute la communauté carribéenne immigrée en Angleterre qui est défendue. Linton Kwesi Johnson s’insurge contre le mépris qui entoure les habitants de Brixton et des autres ghettos du Royaume Uni.
Anticolonialiste, antifasciste (« Fite Dem Back »), partisan d’un modèle social démocrate qui répartirait mieux les richesses, le dub poète rappelle sur « Reality Poem » qu’il vaut mieux regarder la réalité en face afin de la transformer plutôt que de s’en échapper.
Bien que les huit morceaux de Forces of Victory aient été enregistrés en plusieurs sessions distinctes, l’unité de ton de l’album est stupéfiante. Avec sa pochette emblématique, Forces of Victory est l’un des grands disques reggae de l’histoire et l’un des albums préférés de David Bowie !
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CREDITS :
Enregistré en 1978 aux Island Studios (Hammersmith, UK) – Island Records
- Linton Kwesi Johnson – vocals
- Floyd Lawson (tracks: 1, 5), Vivian Weathers (tracks: 2-4, 6-7) – bass
- Lloyd « Jah Bunny » Donaldson (tracks: 1-4, 7), Winston « Crab » Curniffe (tracks: 5-6, 8) – drums, percussion
- John Kpiaye – lead and rhythm guitar
- Julio Finn – harmonica
- Rico – trombone
- Dick Cuthell – flugelhorn
- Dennis Bovell (as « The Invisible One »), Webster Johnson – keyboards, piano
- Everald « Fari » Forrest – percussion
- Dennis Bovell, Vivian Weathers, Winston Bennett – additional voices
- Dennis « Blackbeard » Bovell, John Caffrey – engineer
- Dennis Morris – photography
- Zebulon Design – design
Sources : https://pan-african-music.com - www.telerama.fr - www.nova.fr - http://graphikdesigns.free.fr - www.waxpoetics.com - www.discogs.com - www.routedesfestivals.com - www.qobuz.fr - www.theguardian.com - https://fr.wikipedia.org