Né à Ixelles (Bruxelles, Belgique) en 1942, Marc Moulin fait son apprentissage musical en étudiant le piano à l’Académie de musique de cette ville et commence sa carrière musicale au début des années ’70 comme pianiste de jazz.
L’aventure musicale commence pour Marc Moulin dès son plus jeune âge, entouré par une famille baignant dans les arts (surtout littéraires). Après une formation en musique classique, et parallèlement à des études universitaires, il se lance dans le jazz, gardant en tête son premier disque, « Tenderly » de Oscar Peterson, qu’il reçoit de son père à 8 ans.
Sous l’influence du dieu Miles Davis, il forme son premier trio jazz et raffle 3 des 4 prix lors du festival de Comblain-La-Tour en 1961. Ces prix lui offriront probablement l’exposition nécessaire pour accompagner, toujours avec son trio, les pointures du jazz américain en tournée en Belgique : Slide Hampton, Dexter Gordon, Benny Bailey, Clark Terry, Johnny Griffin…
C’est pendant ces mêmes années 60 qu’il fait la rencontre du guitariste Philip Catherine. Tous deux lassés du be-bop, ils sont d’avis d’incorporer leurs influences respectives : le funk de James Brown pour Phil Catherine et le rock de Soft Machine et Blood Sweat & Tears pour Marc Moulin. A l’époque, Marc était le seul à jour sur un clavier Wurlitzer, acheté dans le magasin de Jules Van Obbergen alias Grand Jojo. Il est également un des premiers à posséder un synthé Moog, qui forgera le son caractéristique de Placebo. Il poursuit en parallèle des études de sciences politiques et de sciences économiques à l’Université Libre de Bruxelles.
En 1971, il fonde, notamment avec le guitariste de jazz Philippe Catherine, le groupe de fusion jazz-rock Placebo, avec lequel il enregistrera trois albums (Ball of Eyes, 1973 et Placebo – sur les deux derniers, Marc Moulin mettra à profit son Mini-Moog tout neuf). Après Placebo, le musicien sort un disque solo de jazz progressif (Sam Suffy, 1975), qui deviendra l’un des disques les plus échantillonnés au monde.
Mais c’est avec le groupe électro-pop Telex, fondé en 1978 avec l’ingénieur du son Dan Lacksman (qui créera plus tard le studio Synsound, à Bruxelles, dans lequel une pléthore d’artistes – et non des moindres – viendront travailler) et l’architecte, designer et parolier Michel Moers, que Marc Moulin fait vraiment son entrée dans l’univers encore émergent des synthés (analogiques, à l’époque).
A l’instar de Kraftwerk (Radio-activity, 1976) en Allemagne ou de Jean-Michel Jarre (Oxygène, 1976) en France, Telex contribua à rendre la musique électronique populaire en Belgique et sur la scène internationale, notamment avec leur tube Moskow Diskow (voir la vidéo). De nombreux artistes de House et de Dance se réclament, aujourd’hui encore, de Telex ; les lignes de « basse » crées par Marc Moulin sur le Mini-Moog préfigurent déjà les lignes de basse synthétiques de la House. Une des marques de fabrique de Telex, outre l’utilisation des synthés, est celle du Vocoder, qui reviendra d’ailleurs plus tard sur les indicatifs de « Radio Cité » (voir plus bas).
Le groupe représenta même la Belgique lors du Concours Eurovision de la Chanson en 1980, avec une chanson très « second degré » intitulée… Euro-vision (voir la vidéo). Les membres de Telex finirent avant-dernier du concours – à leur grand regret, car ils visaient en fait la dernière place -, non sans s’être taillé au passage une solide réputation d’amuseurs publics pince-sans-rire, réputation qui devait se confirmer dans la carrière radiophonique de Marc Moulin.
En effet, le musicien fut également un homme de radio et de télévision. Très tôt sollicité par la radio en raison de ses connaissances dans le domaine du jazz et des musiques « novatrices », il fut producteur à la RTBF (qui s’appelait encore la RTB), la radiotélévision publique belge, dès 1967 et il y anima notamment les émissions radiophoniques « Cap de nuit », « King Kong », « Radio Crocodile » et, les week-ends de 1978 à 1986, « Radio Cité », une séquence qui fut créée en même temps que la bande FM et permit à ses auditeur de découvrir les musiques les plus diverses.
Tout le monde se souviendra également des émissions satiriques et désopilantes « Le jeu des dictionnaires » et « La semaine infernale », que Marc Moulin agrémentait de son humour souvent grinçant en compagnie de « complices » tout aussi déjantés que lui (on pense à Philippe Geluck, père du « Chat » ou encore à Jacques Mercier, créateur avec Marc Moulin du « Jeu des dictionnaires », au dessinateur humoristique Pierre Kroll, …).
Dans la droite ligne de ses parents, Léo et Jeannine Moulin, qui étaient tous deux écrivains, Marc Moulin fut lui aussi un homme de plume. Ainsi, il tenait la chronique politique Humoeurs dans l’hebdomadaire belge de radiotélévision « Télémoustique » (le « Télérama » belge) ; on lui doit également des pièces de théâtre et des essais.
Musicien, producteur, écrivain… à toutes ces cordes, Marc Moulin ajoutait encore celle de l’enseignement : il était professeur à l’IAD (Institut des Arts de Diffusion) de Louvain-la-Neuve, en Belgique.
L’œuvre musicale personnelle de Marc Moulin mêle soul, musique électronique et jazz, un concept qu’il développa en particulier dans trois albums – Top Secret (2001 ; 100.000 copies vendues, Disque d’or en Belgique), Entertainment (2004) et I am you (2007) – parus sur le label de jazz Blue Note.
Dernièrement, il avait encore produit l’album Guitars II de son ami Philippe Catherine ; ce fut son dernier travail musical. Il avait également collaboré avec de nombreux artistes de la chanson, parmi lesquels Julos Beaucarne, Alain Chamfort, Viktor Lazlo, ou encore Lio…
Le producteur, jazzman, leader du groupe belge Telex et figure de la RTBF est mort à 66 ans d’un cancer de la gorge.