Le chanteur, auteur-compositeur et producteur de soul américain Marvin Gaye a, dans une large mesure, ouvert la voie à l’ère de la musique populaire des années 1970 émancipée de la dictature des producteurs et placée sous le contrôle des artistes.
Marvin Gaye, Marvin Pentz Gay , naît le 2 avril 1939 à Washington (D.C.). Son père est un prédicateur pentecôtiste ; sa mère est domestique. Marvin chante à l’église évangélique de son père à Washington et devient membre d’un groupe de doo-wop connu au niveau national, les Moonglows, dirigé par Harvey Fuqua, l’un des principaux maîtres du genre, qui transfère le groupe à Chicago.
Lorsque le doo-wop disparaît à la fin des années 1950, Gaye a assimilé les leçons de chant de Fuqua. Après avoir dissous les Moonglows, Fuqua emmène Marvin Gaye, alors âgé de vingt ans, à Detroit, dans le Michigan, où Berry Gordy Jr, est en train de constituer Motown Records.
Marvin Gaye, qui joue aussi de la batterie et du piano, se révolte contre le système Motown visant à privilégier les « tubes » pour adolescents. Il tient absolument à être un crooner dans le style de Nat King Cole et de Frank Sinatra, mais ses tentatives en la matière sont des échecs.
Il se fait connaître avec Stubborn Kinda Fellow (1962), qui inaugure une longue série de succès dans le moule Motown – essentiellement des chansons écrites et produites par d’autres, notamment I’ll Be Doggone (1965) de Smokey Robinson et I Heard It Through the Grapevine (1968) de Norman Whitfield. Marvin Gaye fait aussi une série de duos réussis, surtout avec Tammi Terrell (Ain’t Nothing Like the Real Thing, 1968).
Doté d’une tessiture exceptionnellement large qui couvre trois styles vocaux distincts – une voix de fausset perçante, un ténor fluide dans le médium et le grognement profond du gospel –, Marvin Gaye allie de grandes prouesses techniques à une personnalité musicale rare. Rebelle par nature, il renverse les rôles aux dépens de la hiérarchie de Motown Records en devenant son propre producteur pour What’s Going On (1971), l’œuvre la plus importante de sa carrière.
Composé de chansons influencées par le jazz sur la nature des malheurs politiques et sociaux de l’Amérique, cet album concept – une formule encore originale à l’époque – dépeint le paysage poignant des quartiers noirs des villes d’Amérique.
En outre, Marvin Gaye fait preuve d’une virtuosité éblouissante en superposant sa propre voix trois ou quatre fois (pour cela, il enregistre la bande sonore plage par plage sur une seule bande) pour restituer la richesse de sa propre harmonie, technique qu’il utilisera pendant le reste de sa carrière.
What’s Going On est un succès critique et commercial bien que Gordy, qui en redoutait le contenu politique – et tout particulièrement ses prises de position contre la guerre du Vietnam – se soit prononcé contre sa publication.
D’autres grands artistes – en particulier Stevie Wonder – suivent l’exemple de Gaye et deviennent leurs propres producteurs. En 1972, Marvin Gaye écrit la musique du film Trouble Man, dont les paroles reflètent sa propre insécurité. Let’s Get It On, publié en 1973, montre le côté sensuel de Marvin Gaye. I Want You (1976) est une autre méditation sur la libération de la libido.
Here, My Dear (1979) traite brillamment du divorce de Marvin Gaye avec la sœur de Gordy, Anna Gordy Gaye (le premier des deux divorces tumultueux du chanteur). La dépendance croissante de Gaye à la cocaïne exacerbe ses combats psychologiques. Très endetté envers le fisc, il quitte les États-Unis et s’exile en Angleterre et en Belgique, où il écrit Sexual Healing (1982), chanson qui marque son come-back et lui vaut son unique Grammy Award.
De retour à Los Angeles, où il a habité depuis le début des années 1970, son principal conflit – entre le sacré et le profane – s’intensifie de plus en plus.
En 1983, sa tournée Sexual Healing, la dernière, est marquée par le chaos et la confusion. Le 1er avril 1984, au cours d’une dispute familiale, Marvin Gaye est à l’origine d’un combat violent avec son père, qui l’abat d’un coup de fusil. Ses proches considèrent qu’il s’agit-là de la réalisation d’un désir : depuis quelques mois, il était en effet au bord du suicide.
Ses principales influences furent, selon ses propres dires, Ray Charles, Clyde McPhatter, Rudy West (principal chanteur du groupe de doo-wop les Five Keys) et Little Willie John. Chanteur d’une grande sensibilité et d’une grâce romantique, ayant su utiliser la musique soul urbaine pour exprimer des problèmes sociaux et personnels, Marvin Gaye a laissé un héritage musical dont l’importance s’est accrue depuis sa disparition.
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