Ami magique de Federico Fellini, le compositeur italien Nino Rota a marqué l’histoire du cinéma par ses bandes-originales, notamment celles du Parrain 1 et 2 de Francis Ford Coppola. Compositeur prolifique et éclectique, il a aussi signé des chansons, opéras, ballets et de la musique de chambre, symphonique et sacrée.
Né en 1911 à Milan, Nino Rota est issu d’une famille de musiciens. Sa mère, pianiste de talent, est la fille du compositeur Giovanni Rinaldi (1840-1895), un ami de Verdi. Enfant prodige, il commence à composer dès l’âge de 8 ans et son premier oratorio L’Enfance de Saint Jean-Baptiste est présenté au public alors qu’il n’a que 12 ans.
Après des études au Conservatoire de Milan, il intègre le Conservatoire Sainte-Cécile de Rome en 1926. En 1931, il obtient une bourse pour partir au Etats-Unis à l’Institut Curtis de Philadelphie. Au contact d’Aaron Copland, il s’ouvre à de nouveaux horizons tels que le cinéma, la chanson populaire américaine, la musique de Georges Gershwin, Cole Porter ou encore Irving Berlin.
De retour en Italie, il obtient une licence de littérature à l’université de Milan et se lance dans une carrière d’enseignant à l’Ecole de Musique de Taranto puis au Conservatoire de Bari, dont il sera le directeur de 1950 à 1978. Ce poste lui offrira un luxe que ne connaissent pas tous les compositeurs : celui de pouvoir entendre sa musique, si tôt créée, interprétée par ses étudiants.
L’engouement pour le cinéma sonorisé en Italie fait écho à son expérience américaine. Dès les années 30, Nino Rota compose pour le grand écran sur les images de Raffaello Matarazzo, mais c’est un échec. Près de 10 ans s’écoulent alors avant qu’il ne renouvelle l’expérience avec le même réalisateur. Suivront des comédies et mélodrames populaires de Renato Castellani, pour lequel il écrit des chansons, et de Mario Soldati. Il travaille ensuite au sein du mouvement néoréaliste avec Luigi Zampa, Alberto Lattuada et Renato Castellani.
Le Cheik blanc (1951), premier film entièrement réalisé par Fellini, est le point de départ de sa longue et fructueuse collaboration avec le cinéaste, devenue mythique dans l’histoire du cinéma. Pendant 28 ans et jusqu’à sa mort, Nino Rota composera ou choisira presque toutes les musiques des films du maître, notamment La Strada, La Dolce Vita, Huit et demi et Casanova. La musique de Rota semble faite pour le cinéma de Fellini tant elle met en valeur la dimension poétique de l’oeuvre du cinéaste génial.
Curieusement, si l’on en croit une confidence de Michel Legrand publiée dans son autobiographie, Nino Rota ne s’intéressait pas du tout au cinéma. Il lui avait même déclaré un jour : en dehors de mes films, je n’en ai pas vu un seul ! Fellini lui-même déplorait le manque d’intérêt de son compositeur fétiche quand il disait : Chaque fois que Nino assiste à une projection de travail, il s’endort !
Un drôle de paradoxe pour ce compositeur que le cinéma ne motivait pas et qui lui a pourtant permis d’écrire de parfaits chefs-d’œuvre !
Dans les années 60, il collabore avec Visconti pour le drame réaliste Rocco et ses frères et la fresque historique du Guépard.
Nino Rota est connu pour créer de véritables décors sonores et non un simple accompagnement des moments dramatiques et des émotions. Il a su trouver un style original qui fait une large place à la mélodie et à la spontanéité. Il est moins à l’aise dans des fresques militaires comme Guerre et paix (1956) de King Vidor ou Waterloo (1970) de Sergei Bondartchouk, où la nécessité de coller à l’action est plus forte.
Pour les deux premiers volets de la trilogie du Parrain de Francis Ford Coppola en 1972 et 1974, il parvient à intégrer le patrimoine musical sicilien à une grande production hollywoodienne. Le thème du 2nd lui vaut l’oscar de la meilleure musique de film, une première pour un compositeur italien.
Avec plus de 140 bandes-originales de films, Nino Rota a collaboré, entre autres, avec Edward Dmytrik (L’Obsédé), Mario Monicelli (La Grand guerre), Franco Zeffirelli (La Mégère apprivoisée, Roméo et Juliette) et les français René Clément (Barrage contre le Pacifique, Plein Soleil) et Christian-Jaque (La Loi c’est la loi).
Ses œuvres pour le cinéma ont quelque peu éclipsé son travail pour la scène également remarquable, avec plus de dix opéras, parmi lesquels on compte Ariodante, La Notte di un Neurastenico, Aladino e la Lampada Magica, ainsi que des ballets dont La Strada et, créés pour Maurice Béjart, Le Molière imaginaire et Amor di Poet. Il s’est également essayé à l’écriture de musique de chambre, symphonique et sacrée.
Nino Rota est décédé le 10 avril 1979 à Rome pendant le tournage du film La Cité des Femmes de Fellini. 30 ans après sa disparition, il fait encore l’actualité, prouvant la modernité de son œuvre : des extraits de son travail ont été repris par le groupe Air dans les compilations Late night tales, par Gus Van Sant dans Paranoïd Park, ou l’interprétation de ses chansons par Mauro Gioia et ses acolytes féminines (dont Catherine Ringer, Susana Rinaldi, Maria de Medeiros) dans Rendez-Vous Chez Nino Rota.