A l’aube du nouveau millénaire, Prince revient au sommet de son art en publiant deux albums studio, The Rainbow Children et One Nite Alone, suivi d’un duo d’albums live (les premiers de sa carrière). S’élabore une formule scénique fusionnant jazz et soul, avec cuivres, Fender Rhodes et contrebasse électrique, en écho aux sonorités très organiques de l’album. La tournée One Nite Alone… qui sillonne, en 2002, les Etats-Unis puis l’Europe est considérée comme l’une de ses toutes meilleures.
Après ses déboires avec Warner Music, Prince redevient Prince. Sans attache (traduire = sans maison de disques), le voilà libre d’aller où bon lui semble. Mais vers où se diriger, au juste, quand on est l’un des artistes les plus marquants de sa génération, que l’on cumule plus de 90 millions d’albums vendus et que l’on vient de passer gentiment la barre des quarante-quatre ans ?
Vers l’Internet encore biberonnant, seul medium à ses yeux susceptible de réaliser sa prophétie qu’un jour prochain – nous ne sommes qu’en 1993 quand il prophétise – il viendra squatter nos cuisines, nos salles de bains, nos toilettes, bref nos robinets pour écouler directement sa production pléthorique de musique.
Un cercle de happy few est alors crée, le NPG Music Club, qui propose, via un abonnement, des titres inédits, des extraits de concerts et même une émission de radio mensuelle d’une heure.
Certes, Prince redevenu Prince reste un visionnaire doublé d’un habile homme d’affaires, mais que dire de sa musique ? Qu’elle n’a pas grand chose de neuf à vrai dire : les titres d’alors sont en filiation directe «man & the machine», cette manière singulière d’enregistrer tout seul (ou presque) et à la pelle en studio des suites d’accords et des harmonies qui lui trottent dans la tête au lever du jour. Problème : la muse qui l’a érigé en phare des années 80 semble avoir atténué sa lumière. Du moins, c’est ce que l’on est en droit de penser alors à l’écoute des titres qui perlent du robinet.
Jusqu’à l’écoute, un soir de 2001, d’un nouveau podcast, le NPG Music Club Edition #9, entièrement dévolu le temps d’un long morceau de 68 minutes à sa nouvelle œuvre, The Rainbow Children.
Un disque concept joué à l’ancienne (traduire = Prince joue tous les instruments sauf la batterie, les cuivres et parfois la basse), intercalant des compositions soignées à des interludes parlés d’une voix ralentie. Les sonorités sont boisées, chaleureuses, même si la patte digitale n’est pas absente. Par un juste retour des choses, alors qu’il a été l’une de leurs principales influences toutes ces années, Prince s’approprie certains gimmicks Nu Soul, courant alors très en vogue, en particulier ceux de D’Angelo et de sa clique, les Soulquarians (J Dilla, Questlove des Roots, Common, Erykah Badu…).
Mise en abyme : l’inspirateur d’une des propositions esthétiques parmi les plus réjouissantes de l’époque se fait presque humble en rendant hommage à cette bande de jeunots. A moins qu’il ne s’agisse d’une volonté toute princière de prouver à ses jeunes padawan qui est le maître… Les deux sans doute mon général.
Sur The Rainbow Children, les formats s’allongent, le jazz pulse gospel, les guitares brodent sur des tapisseries de Fender Rhodes. De la pop immaculée (She Loves me 4 me), des balades soul (Muse to the Pharoah, Mellow), des attaques funk d’une rare finesse (The Work pt1, 1+1+1 is 3) ou dignes de soulever un stade (The Everlasting Now), un instant classic antiraciste au refrain stonesque (Family Name)…
Bien sûr, Prince ne serait pas Prince s’il n’avait pas en parallèle enfanté d’un disque de l’ombre, One Nite Alone, joué principalement au piano. Un album enregistré non pas en studio mais dans l’Atrium de Paisley Park, en compagnie de ses deux colombes, Majesty & Divinity.
Afin de promouvoir l’album, Prince se lance dans une nouvelle tournée mondiale qui passera essentiellement par des théâtres. A la froideur des shows mégalos auxquels se condamnent la plupart des stars de son calibre, il préfère l’enthousiasme partagé avec d’excellents musiciens. Et, pour que la fête soit complète, il livre même, dans la foulée, One Nite Alone… et One Nite Alone… Live!
Bardé de ces deux albums, Prince lance la tournée One Nite Alone, qui sillonne, en 2002, les États-Unis puis passe par l’Europe avant de faire un crochet par le Japon.
Portée par un dispositif instrumental (cuivres, Fender Rhodes, contrebasse électrique) qui respecte l’esthétique de The Rainbow Children, la formule scénique fusionne les genres. Avant chaque date, les membres de son NPG Music Club sont conviés aux répétitions, où il joue parfois des sets d’une heure, brassant un jazz fusion affranchi des formats. Il y a ensuite le traditionnel concert, donné à Paris au Zénith. La set-list déroule un tronc commun de titres issus majoritairement de The Rainbow Children.
Il joue des sets piano solo, parfois des mini-sets à la guitare semi-acoustique, et se laisse souvent tenter par des jams endiablés quand le public l’est tout autant.
Une apogée transcendée quelques heures plus tard, quand Prince monte sur la scène d’un club, où jusqu’au petit matin, il délivre un set magique, entre rock, funk et expérimentation électro. Ici, la version sans doute définitive d’un classique de son répertoire, Joy in Repetition, avec ses deux soli de guitare diaboliques.
Sorti en mai 2002, le premier, qui contient des titres enregistrés dans leur quasi-totalité par Prince seul au piano, est réservé aux membres du NPG Music Club. Le second, son premier live officiel, est un coffret de trois albums témoignant de l’extraordinaire tournée qui vient de s’achever. Deux sont consacrés aux concerts officiels et un troisième aux aftershows.
Inaugurée en 1986, cette pratique des aftershows intimistes en salle à capacité réduite, tenus après ou en marge du concert de tournée, a assis la légende d’un Prince qui ne vit que pour la scène. Quand Prince est en ville avec ses musiciens, les tourneurs optionnent différentes salles, sachant qu’il décidera au dernier moment de sa venue. Un répertoire parallèle à celui de la tournée officielle est répété, qui donne lieu à des fugues improvisées.
Dans la suite de The Rainbow Children, Prince y développe son ancrage dans le jazz, celui électrisant de Miles Davis et des Head Hunters de Herbie Hancock. Le cadre reste contrôlé mais permet aux musiciens de se faire leur place au soleil (en particulier Renato Neto aux claviers, le saxophoniste Maceo Parker et le batteur John Blackwell). L’affirmation du credo répété soir après soir d’une « vraie musique jouée par de vrais musiciens » est inscrite dans la prise de son.
Pas de travail de postproduction fouillé mais une captation en sortie directe 2 pistes sur la table de mixage, sans cacher de rares erreurs et sautes de volume.
Six des neuf titres de ces aftershows sont des versions live de titres figurant à l’origine sur les albums studio de Prince parus entre 1986 et 1994. Le titre d’ouverture, « Joy in Repetition », date des sessions Sign ‘O’ the Times. The Everlasting Now (Vamp) est une courte reprise du titre de l’album The Rainbow Children de 2001.
We Do This et le medley de Just Friends (Sunny) / If You Want Me To Stay de Sly Stone sont des inédits avec en guest star George Clinton et Musiq Soulchild.
La section rythmique (John Blackwell à la batterie et Rhonda Smith à la basse), rompu à l’art de la réinterprétation, aide à transformer des morceaux comme l’instrumental « 2 Nigs United 4 West Compton » en quelque chose de moins nerveux que Prince a façonné lui-même pendant les sessions de The Black Album.
Sur un groove « Peach (Xtended Jam) », Prince rappelle aux spectateurs qu’il ne s’agit pas d’un spectacle de rock en arène, mais d’un club (« Ain’t nothing to look at ; y’all just party where ya are. »).
Sources : www.princevault.com – https://pitchfork.com – www.magicrpm.com – https://calhounsquare.fandom.com – www.lesinrocks.com – www.funku.fr
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TITRES :
- Joy In Repetition (10:55) – New York City, April 9th 2002
- We Do This (4:41)1 – New York City, April 9th 2002
- Medley: Just Friends (Sunny) / If You Want Me To Stay (4:26) – New York City, April 9th 2002
- 2 Nigs United 4 West Compton (6:14) – Los Angeles, CA, April 20th 2002
- Alphabet Street (2:54) – Los Angeles, CA, April 20th 2002
- Peach (Xtended Jam) (11:18) – Portland, OR, April 30th 2002
- Dorothy Parker (6:16) – Los Angeles, CA, April 20th 2002
- Girls & Boys (6:59) – Los Angeles, CA, April 20th 2002
- The Everlasting Now (Vamp) (1:49) – Los Angeles, CA, April 20th 2002
CREDITS :
- Bass – Rhonda Smith
- Bass, Vocals – Larry Graham
- Design – Sam Jennings (2)
- Drums – John Blackwell
- Guest [Guest Appearances From] – George Clinton, Musiq Soulchild
- Keyboards – Renato Neto
- Lacquer Cut By – Kr*
- Overdubbed By [Minimal Overdubs By] – Femi Jiya, Joseph Lepinski
- Performer [Whatever] – Prince
- Photography By [Photos By] – Afshin Shahid
- Recorded By [Live Direct 2 DAT] – Scottie P.
- Saxophone [Sax] – Candy Dulfer, Maceo Parker
- Trombone – Greg Boyer
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