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The Pretty Things, ou l’histoire de rendez-vous manqués… Au moment où sort cet album, cinq ans après leurs débuts discographiques « The Pretty Things », un premier album composé de reprises de Rhythm’n’Blues américain, le groupe de Phil May et de Dick Taylor a déjà connu de nombreuses péripéties.

Depuis leur troisième album, «Emotions», surproduit et sorti sans l’accord du groupe jusqu’à l’enregistrement d’un disque de commande pour le compte d’un excentrique aristocrate français, Philippe de Barge, en passant par la réalisation de bandes-sons géniales pour des films de série Z sous un nom d’emprunt (The Electric Banana) et l’enregistrement d’un concept-album «S.F. Sorrow». En Angleterre, toujours chez EMI, à partir de 1970 les enregistrements des Pretty Things sont édités sur le label progressif Harvest, à commencer par le simple « The Good Mr. Square’/ »Blue Serge Blues » en avril présents sur The Pretty Things Parachute.


The Pretty Things Parachute

Désormais Phil May est l’unique rescapé du quintet original. Avec ce va-et-vient de musiciens, le concept Pretty Things devient synonyme de communauté, sans pour autant être mercantile.

Enregistré à Abbey Road, et produit par Norman Smith (ingé son des Beatles jusqu’en 65, producteur des premiers Pink Floyd The Piper At The Gates Of Dawn et de A Saucerful of Secrets et déjà producteur de S.F. Sorrow), Parachute est le cinquième disque officiel des Pretty Things.

Réalisée dans le doute le plus atroce, offerte sous une des pochettes les plus sauvagement ratées de l’histoire, la musique de “Parachute” soutient impeccablement le test du temps.

The Pretty Things Parachute
The Pretty Things Parachute

Le premier titre “Scene One” éclaire la nouvelle ampleur sonore du groupe qui mêle pianos réverbérés et cascades de batterie avant de tomber sur une mémorable descente de basse. Nous sommes en ville, population cerclée d’acier, et, pour les Pretty Things, pas de bol, le rêve est terminé.

Tout l’album produit par Norman Smith va jouer sur ces deux possibilités : accepter la cité, bruyante et polluée mais berceau du rock, ou splitter pour les riantes prairies britanniques et, qu’elle était verte ma vallée, chanter du folk.

Étrangement, Phil May bien que leader chanteur du groupe, ne commencera à chanter qu’à partir du cinquième titre, laissant auparavant le champ libre à ses acolytes bassiste, guitaristes et batteur.

The Pretty Things Parachute
The Pretty Things Parachute

“The Good Mister Square/ She Was Tall She Was High” a la puissance mélodique des Beatles (de fait, les harmonies rappellent “Because”). Wally et John Povey se partagent le chant Phil May intervient sur le tard, voix reconnaissable entre mille. Il donnera l’explication du titre (paru en simple) à la presse: “Ce pauvre Mister Square est un psychopathe, un blaireau. Il habite un monde triste et gris, uniquement constitué de coupures de presse. ”

Pour compliquer encore l’affaire, une trilogie : “In The Square/The Letter/Rain”. Le thème : partie vivre à la campagne, une fille écrit à son copain resté en ville. Guitare et Mellotron dégagent de tristes harmonies mineures. Phil May surgit, la pluie roule sur son visage, pleure-t-il sur la fille ou sur son sort de prisonnier de Londres ?

“Miss Fay Regrets” est l’émouvante description d’une vieille actrice qui contemple sa carrière passée, clavecins torturés, et sa déchéance physique, riffs acérés.

The Pretty Things Parachute
The Pretty Things Parachute

Rapidement composé en studio aux heures où l’aube pointe un museau hagard, le morceau bénéficie de voix haletées de Phil May, en grande forme. Fin de la première face, “Cries From The Midnight Circus” ouvre sur un riff de basse tortueux, vite attaqué par un déluge de batterie. Ici, Phil May donne sa vision de Londres by night, monde sordide, peuplé de putes, maquereaux, dealers et rock stars, tous catapultés dans des actions illégales, forcément illégales. Solo d’orgue filtré par une cabine Leslie.

Morceau préféré du chanteur retrouvé, “Grass” ouvre la seconde face. Une guitare tremblotante, marée de cymbales folles et océan de Mellotron servent d’écrin à des voix doublées, embellies d’harmonies vaporeuses. Percutant sa vieille Framus acoustique, Wally se prend pour Lennon.

“Sickle Clowns” met enfin en relief le soliste Vie Unitt (venu de l’Edgar Broughton Band). Les feuilles de route d’Abbey Road révèlent que la fière chanson fut mise en boîte en une seule journée, le 20 mars 1970.

Puis, pour trois minutes et demie de folie rock, les Pretty Things deviennent le meilleur groupe de tous les temps. La chanson “She’s A Lover” (qu’ils jouent encore à chaque concert) représente l’idéal rock anglais seventies. Refrain contagieux, voix tranquilles et duel de guitares à la “Rock’n’Roll Animal”, soutenu par une dragonnade de batterie.

The Pretty Things Parachute
The Pretty Things Parachute

Douzième titre, “What’s The Use” est une lamentation de Phil May, inconsolable de l’abandon des idéaux hippies. Wally s’escrime sur une 12-cordes (influence Byrds) et Phil May explique : “Le rêve était fini. Tout le monde avait ce goût amer dans la bouche, comme après une guerre perdue. Soudain tout le monde rentrait dans le système, queue basse, sentiment d’aventure ratée… ”

Sur le dernier titre, “Parachute”, le groupe fait une ultime démonstration de la science du chant à huit voix, portant la variation contrapuntique vers des sommets de langueur lascive.

Dès sa sortie, la presse plébiscite le disque. Un jeune circuit underground bourgeonne, avec ses fanzines, gigs universitaires et relais de l’ombre. Faisant preuve d’un goût étonnant, les journalistes de Rolling Stone (alors journal contre-culturel) votent “Parachute” disque, non du mois, mais carrément Album de l’année. Une accolade qui aurait pu signifier gloire et fortune… si les Pretties ne s’étaient chargés du reste.

The Pretty Things Parachute
The Pretty Things Parachute

Ne se remettant pas du départ de sa girlfriend Gayla, Phil May sombre dans la dépression. Sa consommation de drogues et d’alcool devient prodigieuse. Puis coup sur coup, changement de guitariste (Vie Unitt remplacé par Peter Toison), annulation d’une tournée US avec Rare Earth, départ de chez EMI…

Conscient d’avoir réalisé un chef-d’œuvre, le groupe se battra jusqu’à son dernier souffle pour rester du côté de cette ombre qui lui sied bien, du côté des losers, des perdants, des rêveurs déçus. “Parachute”, album immortel, ne parle que de cela. Gloire et honneur aux Jolies Choses.

Rétrospectivement, il est tentant d’imaginer le morceau comme un résumé de l’album, et de considérer que the Pretty Things ont écrit avec cet album l’épitaphe du rock psychédélique anglais. Sorti en juin 1970, Parachute apparaît aujourd’hui par de nombreux aspects nettement au-dessus de ses concurrents.

Sources : www.planetgong.fr – www.destination-rock.com – www.telerama.fr – www.theprettythings.com – www.97ruedurock.com – www.FOUDEROCK.com – Note pochette

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CREDITS :

Enregistré entre septembre 1969 et avril 1970 – Abbey Road Studios, Londres – EMI; Harvest

  • Norman Smith : producteur
  • Tony Clark : ingénieur du son
  • Nick Webb : ingénieur assistant
  • Hipgnosis : pochette, photographies
  • Mark St. John : remastering
  • Andy Pearce : remastering

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