Une pièce maîtresse du reggae roots, un album qui a su capturer l’essence même d’un peuple et d’une spiritualité, voici ce qu’est Two Sevens Clash. Profondément rasta et jamaïcain, Joseph Hill, le leader charismatique du trio vocal, offre une synthèse parfaite de ce que le reggae roots a pu être à son âge d’or : des textes gorgés de foi rasta et de militantisme panafricain mêlés à des compositions reggae riches de sonorités en provenance directe d’Afrique et du folklore des Caraïbes.
Né en 1949, Joseph Hill grandit dans la paroisse de Saint Catherine en Jamaïque. Au cours des années 70, c’est en tant que percussionniste et chanteur du groupe The Soul Defenders qu’il fait ses armes, laissant ses premières empreintes sur bande magnétique au légendaire Studio One de Coxsone Dodd.
Son groupe sert alors essentiellement de backing-band pour des artistes renommés tels que Burning Spear ou Dennis Brown.
Two Sevens Clash (Culture)
En 1976, il forme le trio vocal The African Disciples avec son cousin Albert ‘Raph’ Walker et Roy ‘Kenneth’ Paley. Formation finalement renommée au moment de leur rencontre avec le producteur Joe Gibbs : les trois hommes choisissent d’enregistrer leur premier single sous le nom de Culture.
C’est donc avec Joe Gibbs et Errol Thompson – The Mighty Two – que le trio enregistre tout d’abord deux singles, dont le fameux » Two Sevens Clash », qui sort dans le courant du mois de mars 1977.
Son titre s’inspire d’une prophétie puisée par le leader de ce trio jamaïquain, Joseph Hill, dans le livre de l’Apocalypse, selon laquelle la “collision des 7” annoncera de terribles bouleversements sur terre, mais aussi la chute des tyrans et la délivrance des opprimés.
L’intérêt des Jamaïcains pour ce morceau augmente au fur et à mesure que la date fatidique du 7 juillet 1977 approche. Alors en pleine ferveur mystique, tout le pays est conquis par ces paroles qui évoquent « la fin du monde ». Sans aucune angoisse, c’est au contraire avec un optimisme certain que Joseph Hill évoque la prophétie de Marcus Garvey et son enfermement dans la prison de Spanish Town, Kingston.
Garvey aurait prédit que si le peuple noir pouvait survivre aux années 70, il serait alors capable de survivre à tout. Le jour du « Two Sevens Clash” (le 7 Juillet 1977 ou 7/7/77) serait alors le jour de la fin du monde connu jusqu’alors et le début d’un monde meilleur pour le peuple noir.
Le 7 juillet 1977, les rues de Kingston étaient pratiquement désertes, ses habitants s’étant réfugiés chez eux dans l’attente du Jugement dernier. Si finalement d’apocalypse il n’y eut point, en revanche une collision se produisit bel et bien cette année-là : celle entre le punk et le reggae.
L’album au titre éponyme sort dans la foulée, proposant dix titres d’une qualité exceptionnelle. Le trio vocal est conforté par le jeu irréprochable des Revolutionaries. Sly Dunbar est à la batterie, Robbie Shakespeare, étonnamment à la guitare, la basse étant confiée à Lloyd Parks. Tommy McCook et Vin Gordon occupent une place de choix au saxophone et au trombone. Avec une équipe pareille, l’échec est impossible.
D’autant plus que la production des Mighty Two va droit au but. Le son n’est pas aussi sombre et étouffant que celui d’un Lee Perry de cette époque. Dans la voix de Joseph Hill, on devine l’influence de Burning Spear. Le tout délivre un reggae roots pur jus, bien que certaines pistes n’hésitent pas à flirter avec le rocksteady, comme par exemple « Jah Jah See Them a Corne’.
D’autres titres, dont « Calling Rasta for », évoquent des sonorités africaines… Après un premier album aussi réussi, le trio a continué de fournir au public des albums de qualité tels que Cumbolo ou International Herb, mais n’est jamais parvenu à surpasser le niveau d’excellence imposé par ce premier opus.
La voix de Hill, loin d’être un canon d’harmonie, irradie d’une ferveur telle que les mélodies, simples et décochées avec une désarmante sincérité, finissent par ne plus vous lâcher. Le contrepoint que leur offre le chœur d’Albert Walker et Kenneth Dayes y ajoutant le petit supplément d’âme et de vigueur nécessaire.
Quant à l’accompagnement, il est royal. Sly Dunbar cogne avec, dans chaque baguette, cet alliage de puissance, de souplesse et d’économie qui a depuis fait sa légende. Et qu’importe si ce n’est pas Robbie Shakespeare, mais Lloyd Parks, qui donne la réplique à la basse, tandis qu’un trio de claviers (Franklyn Waul, Errol Nelson, Harold Butler) tricotent autour un amour de maillage.
Actifs jusqu’en 2006, les trois hommes n’ont eu de cesse de sillonner le monde entier pour assurer des tournées mémorables où Joseph Hill a diffusé avec foi et bonne humeur le message de Rasta. Malheureusement, c’est au cours d’un de ces marathons à travers les frontières que Joseph Hill a été rappelé aux côtés de Jah, après un show à Berlin… C’est alors dans la douleur que toute la communauté des amateurs de reggae a pleuré un homme dont la générosité et la sincérité étaient unanimement reconnues.
Sources : www.discogs.com – www.lesinrocks.com – www.roughtrade.com – www.furious.com – www.frontview-magazine.be
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CREDITS :
Enregistré en 1976 au Joe Gibbs Recording Studio, Kingston – Joe Gibbs Record Globe
- Alto Saxophone – Herman Marquis
- Arranged By – Errol T.*, Joe Gibbs
- Bass – Lloyd Parks
- Drums – Noel Dunbar (Sly)*
- Guitar – Eric Lamout*, Lennox Gordon, Robert Shakespear*
- Keyboards – Errol Nelson, Franklyn Waul*, Harold Butler
- Mixed By – E.T.*, Joe Gibbs
- Percussion – Sticky*
- Producer – Errol T.*, Joe Gibbs
- Tenor Saxophone – Tommy McCook
- Trombone – Vin Gordon
- Trumpet – Bobby Ellis